CRÉATION
LITTÉRAIRE
ET
TERRITOIRES
Création littéraire et résidence d’écrivain
La création littéraire en Lorraine peut prendre des formes diverses. Elle s’actualise notamment dans des dispositifs de résidence d’auteurs (lcdpu.fr/livre) qui en instituant du vivre-ensemble visent à favoriser la démocratisation culturelle par le biais de dispositifs de médiation participatifs au sein d’une relation triangulaire : écrivain, publics, institutions culturelles.
Les médiations culturelles désignent en fait les stratégies d’action culturelle centrées sur les situations d’échange et de rencontre entre les publics et les milieux culturels et artistiques.
« Se focaliser sur le phénomène de médiation, c’est mettre l’accent sur la relation plutôt que l’objet. »
Jean Caune, La Démocratisation culturelle, une médiation à bout de souffle, Grenoble, PUG, 2006, p.132.
Perspectives
Il s’agit ici de mettre en perspective, à travers une approche comparée en cours de réalisation, les formes de la création littéraire via le dispositif résidentiel, en fonction de 3 zones géographiques spécifiques :
- le territoire lorrain
- le territoire de la Grande Région (Sarre, Rhénanie-Palatinat, Wallonie, Luxembourg et Lorraine)
- la province de Québec.
ESSAI DE DÉFINITION
La résidence d’auteur se définit comme un dispositif culturel spécifique fondé sur un couple un « entre-deux », c’est-à-dire une structure d’accueil (association, collectivité, institution…) et un auteur, en vue de réaliser un projet d’action littéraire en lien avec des publics visés et en fonction d’un modèle.
En tant que dispositif, procédant d’une demande sociale et politique qui émane très souvent des collectivités territoriales, la résidence apparaît comme une entité hybride dans la mesure où doivent en règle générale se combiner deux éléments essentiels dans une temporalité restreinte : création littéraire et activités de médiation autour de la littérature contemporaine. Faute d’un cadre réglementaire ou d’un statut, la résidence d’auteur est de nature polymorphe, marquée par une grande hétérogénéité (résidence individuelle/collective, pérenne/éphémère, fixe/itinérante…).
Toute résidence d’auteur se construit à partir d’une combinatoire de catégories normalisées mais cependant fluctuantes et extrêmement diversifiées :
• une territorialité, un lieu (un château, un phare, un appartement en ville, à la campagne…),
• une temporalité (d’un mois à une année),
• une structure-accueil (institution publique, structure culturelle, association…),
• des financements (publics/privés/partenariat),
• un projet de création littéraire déterminant l’œuvre produite par l’auteur-résident et un projet de médiation culturelle qui prévoit une liste d’activités autour de l’auteur destinées au public.
Ce type de résidence opère et institutionnalise une distinction temporelle établie par le CNL en réservant un pourcentage de temps à la création et un pourcentage aux actions culturelles ou littéraires. Son organisation doit permettre à l’auteur-résident de consacrer au minimum
70 % du temps à son projet d’écriture
30% maximum aux rencontres littéraires, aux médiations autour de son œuvre.
Entretien
Extrait d’un entretien accordé par Murielle Mayette-Holtz, Directrice de la Villa Médicis (Rome) à Carole Bisenius-Penin (juillet 2017).
Face à cette mythologie de la Villa qui imprègne fortement les discours de différentes sphères (journalistique, politique, culturelle…), en tant que modèle originel de la résidence, quelle est actuellement la fonction de la Villa Médicis ? Ses missions ?
Murielle Mayette-Holtz : La Villa Médicis est une ambassade culturelle française à l’étranger. Créée en 1666 par Louis XIV, l’Académie de France à Rome – Villa Médicis a pour mission fondatrice et centrale l’accueil d’artistes et de chercheurs pour leur permettre de poursuivre leurs travaux, études et recherches. Elle possède ainsi trois fonctions principales.
La mission Colbert qui est son essence même, mais qui ne peut se suffire à elle-même, c’est à dire un lieu d’accueil d’artistes fermé sur lui-même, une résidence, car la question de sa pérénité se poserait beaucoup plus cruellement. La mission Colbert a comme vertu aussi de permettre aux artistes de se croiser. En effet, les rencontres me semblent essentielles pas seulement pour la discussion, mais aussi pour la porosité des disciplines qui ne fait que s’accentuer dans la création, à l’instar des arts plastiques par exemple qui mixent les disciplines. Cela est également valable pour l’écriture littéraire. Cela me semble la première fonction de la Villa Médicis. D’ailleurs, cet aspect est fortement revendiqué par tous les artistes qui passent le concours, la possibilité offerte de rencontrer les autres pendant une année grâce à la bourse obtenue. Dans le cadre de la société de consommation dans laquelle nous évoluons, la fonction de ce lieu est, me semble-t-il, la possibilité de revendiquer le fait qu’il n’y ait d’obligation de résultats, de production obligatoire. Je revendique très fortement cette spécificité de la Villa Médicis car il s’avère particulièrement important pour un artiste, un écrivain de prendre du temps, même si cela peut être parfois compliqué avec la peur de ne pas arriver à produire ou le syndrome de la contemplation face à la beauté du site, mais après tout une année de contemplation, cela n’est pas si mal dans une vie d’artiste dans le cadre d’une résidence. Il faut de la patience pour que les artistes reçus à l’Académie de France à Rome deviennent les grands artistes de demain.
La mission Malraux ensuite, qui correspond à l’arrivée des écrivains en résidence en 1970, est une mission de programmation à la charge du directeur qui consistait dès sa création à mettre en place des expositions d’art. Aujourd’hui avec l’accueil des diverses disciplines (arts plastiques, littérature, musique, photographie…) les activités se sont étoffées avec des concerts, des projections en plein air, des lectures. J’ai souhaité ainsi regrouper ces diverses activités en proposant aux publics chaque année une véritable ouverture culturelle au sein de la Villa Médicis par le biais de la rencontre avec deux artistes, grâce au dispositif des « Jeudis de la Villa ». Cela permet de faire se côtoyer les deux missions. Ainsi, dans la 2ème moitié de l’année, je demande aux pensionnaires de faire avec moi la programmation afin qu’ils puissent rencontrer les créateurs qui leur semblent particulièrement importants pour eux, ce qui permet de développer ce que j’appelle « un salon de l’intelligence ».
Enfin, la dernière mission est celle de restauration, du patrimoine. Il ne faut oublier que la Villa Médicis est une propriété française contrairement au Palazzo Farnese. C’est un site unique qu’il faut partager à travers des visites guidées ainsi que les événements culturels qui y sont organisés tout le long de l’année.
Références :
Bisenius-Penin Carole (dir.), 2014. Résidence d’auteurs, création littéraire et médiations culturelles (1). A la recherche d’une cartographie. Nancy : PUN – Éditions Universitaires de Lorraine.
Caillet Elisabeth, 2007. Accompagner les publics, la médiation culturelle, L’Harmattan, Paris.
Caune Jean, 2006. La Démocratisation culturelle, une médiation à bout de souffle, Grenoble, PUG.
Castan C., Guéraçague, M-L., 2010. « Résidences d’écrivains (2) : les coulisses de la création », BBF, n° 4, p. 92-92 [en ligne] bbf.enssib.fr
Colleville N., 2010. « Résidences d’écrivains (1) : pour quoi faire ? », BBF, n° 4, p. 90-91 [en ligne ] bbf.enssib.fr
Herenguel É., 2010, « Les résidences d’écrivains en Grande Région », BBF, n° 6, p. 67-68 [en ligne] bbf.enssib.fr
Lafortune Jean-Marie (dir.), 2012. La médiation culturelle : Le sens des mots et l’essence des pratiques, Presses de l’Université du Québec.