Noëlle au pays des merveilles

Noëlle Benhamou
Centre d’études des relations et contacts linguistiques et littéraires
Université de Picardie Jules Verne
F-80000
noelle.benhamou[at]orange.fr

Noëlle au pays des merveilles


Venue des Hauts-de-France, nouvelle Alice ou lutin de Noël, j’ai suivi le sentier des lanternes, attirée par l’odeur des gaufres, les lumières des guirlandes, le bruit du fleuve : les eaux de la Moselle roulent avec fracas, tandis que la grande roue, derrière la cathédrale, ressemble à une clepsydre d’un genre nouveau, ou plutôt à une noria multicolore, avec ses nacelles rouge et or.

Quel plaisir de voir et d’entendre des singes musiciens ! Trompette, bandonéon, violon, l’esprit de Noël est partout. Façades illuminées, odeurs des sapins, étalage de peluches surdimensionnées, sphères de couleurs…

Je me sens comme Alice devant un grand roi de cœur. Je continue le chemin des merveilles qui mène vers le lieu de l’enfance perdue. La nuit recouvre les passants du voile des souvenirs. Et si cet itinéraire me permettait de remonter le temps et me menait vers le vert paradis des livres illustrés : ici, les petits soldats aux uniformes bleu et rouge rappellent ceux des contes d’Hoffmann et d’Andersen ; là, des nains côtoient des nounours et Pinocchio. Le doux son des cloches de la cathédrale, le vent dans les branches des sapins qui effleure ma joue, le bruit des scies, les cris d’enfants me transportent soudain.

Mais mes pieds foulent déjà un autre monde : les sphères de couleurs et les animaux illuminés ont laissé place à une halle aux poutres apparentes et au sol recouvert de paille, où sont exposées les boules magiques du Meisenthal. Où est donc la jolie Sûzel, chère à notre ami Fritz, dans cet univers rustique ? Boules de cristal jaunes, vertes et blanches. Musique douce comme des gouttes d’eau et le chant des ondines. Loreleis messines ? Clochettes, roues de vélos, lumière violette, pas sur la moquette rouge… Fin de la visite.

Place de Chambre, le petit train de Noël tout en gamme chromatique m’attend, figé, sa locomotive souriante semblant m’indiquer qu’il faut passer la Moselle pour atteindre le marché de Noël. Traversant le fleuve, piquée par le froid, je me retrouve au pied de la cathédrale, que je longe à petits pas alors que ce sphinx de pierre embrasé me regarde.

Place Jean-Paul II, je contemple le portail de la cathédrale Saint Étienne. Bruit des roues de voiture sur les pavés, quelques efforts encore et je vois la grande roue installée sur la Place d’Armes, ainsi que son marché gourmand.

Le braséro dégage une chaleur entêtante qui attire les passants morfondus, et une odeur de fumée de feu de bois qui les fait tousser. La visite se termine avec un bon vin chaud à la cannelle qui chatouille la gorge. Le « Gut ! » guttural d’un touriste allemand me rappelle à la réalité. Il est temps de quitter le Metz médiéval du pauvre Lelian et le pays des merveilles de l’enfance pour celui des adultes. Allons dîner au Chat noir et parler littérature avec nos collègues lorrains, canadiens et irlandais. Je regarde le ciel, et par-dessus le toit der Mond ist aufgegangen,/ die goldnen Sternlein prangen am Himmel hell und klar…

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