Déambulation 2

Catherine Fhima
catherine.fhima@wanadoo.fr

Déambulation 2.
Metz s’émet en mémoire d’écarts vifs


1er décembre 2016

Tout commence par le nom : Quai Félix Maréchal

qui donc ? et là se niche la note étrangère du regard
on est sur les bords, les restes du limes, la marche dérive,
de la périphérie on pense toujours au centre
Mais du centre, quoi de la périphérie ?

Vite, vite, noter, notez donc qu’un pizzaiolo en rond suit l’arcade,
On tourne rue des Piques et rue Paul Tornow 

L’inconnu, l’inconnu dans la même langue et pourtant,
Rire de cette ignorance du voyageur, tributaire de l’histoire
locale, régionale, quels mots ?

Plus rien ne défile, vite, vite, écrire
On monte, il semble, on se laisse faire, docilité de l’amusement
la cathédrale enrobée, lumière à gauche, le froid insiste
Adviendra alors le grand frisson,
oh pardon « Fresson », le pâtissier nous dit-on,
traçage de lettres noires biffées, correction, vite, vite
Place de Chambre ! Sans médiation.

Où ? Soudain l’infamilier rime avec inconfort. Fugacement

On continue hardiment de monter et d’écrire comme se peut
Dire que le doigt gèle sur les idées manquantes ?
L’instant mange tout. Failli perdre de vue le groupe ombré.

Mais, et la roue kitschée ? Une foire ? Non !
Marché de Noël. On ravale son ignorance. Neuf.

Elle n’a pas cillé la cathédrale à gauche,
impavide comme les lectrices d’un tableau reconnu, tissé et retissé sous le regard
Vaillamment           
(curieux mot, on laisse ? spontanéité associative)
on rejoint le « très beau marché couvert »
et en face ? Le Bar à la Lune ? La poésie du nom porte à renverser la tête

Au moins, il ne se nomme pas de l’uniforme
«  Café du marché ! », il a un nom, vrai.
Mais qui ne dit rien de plus.

La lune au croissant se grave en rétine insignifiance.
La tête au cou ramené à l’endroit, l’endroit ?, vite, vite.
On oublie au passage, les autres. Que n’oublie-t-on pas ? Attention parcellaire.
La mémoire, la mémoire, c’est du patrimoine, d’abstractions
la découverte c’est… du regard expurgé de fondation.
Le caché se cache. La toute-puissance du monument emplit tous les pôles.
C’est du grasseyant à l’état pur, la pureté est inconnaissable,
les abords sont poussés dans leurs retranchements
Satiété des pores en émoi, entre sensations de froid et surprise des espaces pleins
que savoir de ce qui ne se voit pas ? Se voile par l’oubli ?
Noms de pays, les pays, la tête baissée, absorption des regards
Il a dit « noms de lieux, les lieux. Pas de didactisme ! La roue c’est du mou ! »

Le prénom ? Un risque de tutoiement des lieux.

Vite, vite, pas le temps de flâner, on tourne autour du chevet. Course mots.
La cathédrale toujours. Comment s’imaginer une carte de l’inconnu des lieux ?
Bribes de paroles volées au coin du marché :
« le chien va faire peur à tout le monde »
quand on darde deux secondes de regard sur la bête énorme, on acquiesce
et on passe son chemin, vite, sans interruption de rythme,
sons, sons attrapés
« Goûtez la framboise, goûtez, goûtez » – Oh que c’est sucré ! Mais c’est de l’abricot !
« Pâte d’amande, melon selon la saison »

Pâte de fruit, jolie, jolie

« Le Nougat de Savoie » l’enseigne serre la tête !

À Metz ? – on n’ose rien se dire, la voix déporte.

Marché de Noël donc, halte « vin chaud », le gobelet plastique consigné,
on boit en rond d’oignons parfumés, dimanche prochain c’est Saint-Nicolas ;
l’oreille affermit l’écoute, tout tenir, contenir la cacophonie, on boit chaud,
euphorie et euphonie, tout en un
la fin c’est le rebord du verre clair, très bien, on sourit,
dernier nom ? Rendez-vous charmeur, lui ce n’est plus le Kafka au chien
c’est le poète-bohème du cabaret : « Rendez-vous au Chat Noir »,
Ah le Chat Noir, le familier, le nom, les filiations roucoulent
À l’opposé donc, rue Pasteur, le connu rejaillit ?
Le tout s’ébroue, « on y sera ! »,
mais avant c’est le détour du « meilleur ouvrier de France »
on retient la Tête d’or, encore une rue
– ce n’est pas du jeu, c’est hors-clou, mon chou !
Vite, la pensée ne se plie qu’aux courses à mètres, on court ?
Ces images ont fait le tour,
Le rond est un enrobement, une opacité, une pacification,
Les mots enfin nous déposent au coin des pavés luisants, carnets en grappes
La nuit de l’Est nous a gagnés, coutures faufil du verbe blanc.

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