Jean-Matthieu Méon

Jean-Matthieu Méon
Centre de recherches sur les médiations
Université de Lorraine
F-57000
jean-matthieu.meon[at]univ-lorraine.fr

Le King of Comics à Dornot-Corny.
Des comics à la Moselle en passant par Hollywood. À propos du festival « Kirby super-héros, Cabanes 2017 »


« Jack a dit : célébrons nos héros[1] ». Entre jeu de mot et prosopopée, ce titre d’un article du magazine du Conseil départemental de Moselle exprime les thématiques de l’opération Kirby super-héros, Cabanes 2017 organisée par cette institution. Il en souligne aussi les procédés : honorer la personne d’un créateur, faire parler son œuvre, leur assigner un cadrage symbolique – l’héroïsme. Par ce biais, un auteur et une œuvre, Jack Kirby et ses bandes dessinées, sont associés à un territoire, celui de la Moselle.

À l’occasion du centenaire de la naissance de ce célèbre créateur surnommé le King of comics, la Moselle a retenu cette figure littéraire et ses créations comme thématiques centrales de son dispositif récurrent d’animation culturelle territoriale Cabanes. Jack Kirby, la guerre et l’héroïsme fédèrent ainsi une large programmation culturelle ayant pour cadre, territorial et thématique, la Moselle.

C’est au parcours social d’une œuvre, aux transformations qu’il implique pour celle-ci, que nous nous attachons ici. Notre propos est de saisir les opérations de redéfinition d’une œuvre effectuées pour tisser une trame de fond cohérente pour un dispositif tel que Cabanes 2017[2]. Cette trame repose sur trois fils distincts. D’abord, l’opération s’appuie sur un aléa biographique, le passage de Jack Kirby en Moselle à l’occasion notamment de la bataille de Dornot-Corny en septembre 1944. Ensuite est mobilisée une œuvre considérée comme familière au plus grand nombre, faite des plus célèbres super-héros de l’éditeur américain Marvel dont Jack Kirby est le co-créateur : Captain America, Hulk, Thor… Enfin, troisième fil – ou plutôt écheveau tant cette composante est multiforme – la mémoire du territoire mosellan, constituée des traces de plusieurs conflits comme du passé ouvrier et minier. C’est le tissage de ces fils qu’opèrent les responsables du département dans leur définition du festival Cabanes. La présentation du dispositif Cabanes puis de la carrière de Jack Kirby permettront de préciser dans un dernier temps la redéfinition de l’œuvre que réalise cette année Kirby Super-héros.

Les remarques faites ici sur ce festival sont nécessairement incomplètes. D’une part, l’angle retenu en délaisse volontairement certains aspects. L’analyse de la genèse ou du montage d’un projet d’animation territorial comme Cabanes ou la restitution des configurations locales permettant de fonder une telle action culturelle territoriale nécessiterait un travail empirique et des développements d’une autre nature[3]. L’accent est mis ici sur la place d’une œuvre dans un tel dispositif et ce qu’il advient de ses caractéristiques. D’autre part, la programmation évoquée n’en est qu’à ses premiers temps au moment de l’écriture de ces lignes[4]. Elle est amenée à évoluer, certaines réalisations ne font que que l’objet d’une présentation succincte. Néanmoins, l’analyse présentée, s’appuyant sur la communication menée par le Conseil départemental[5], permet d’identifier les principales logiques à l’œuvre dans ce travail de valorisation croisée d’une œuvre et d’un territoire.

Un dispositif de commémoration et d’animation territoriale

C’est dans le cadre du festival Cabanes que le département de la Moselle a inscrit sa célébration de Jack Kirby. Il s’agit d’un dispositif composite mis en place par la collectivité depuis 2014[6]. De forme changeante, le festival est destiné à structurer une animation culturelle du territoire, selon une logique participative et inclusive de démocratie culturelle. Suivant une démarche revendiquée de « culture pour tous et culture par tous »[7], la programmation mêle, parfois au sein d’un même spectacle, pratiques artistiques amateurs et créations d’artistes professionnels. Le festival Cabanes tend ainsi à regrouper sous une même étiquette des événements très variés, visant une mise en visibilité de la vie culturelle locale, au service de « l’attractivité et du rayonnement » (ibid.) du territoire mosellan.

Pour l’édition 2017, la figure de Jack Kirby fait office de thème fédérateur, mais les événements liés à l’auteur dépassent cependant en partie le cadre strict du festival[8]. En effet, un premier cycle d’actions mémorielles a eu lieu dès septembre 2016, soit plusieurs mois avant le lancement officiel du festival en mars 2017. Le second temps de la communication départementale au printemps 2017 n’intègre plus ce premier cycle dans ses supports, mais c’est bien l’année étendue septembre 2016-décembre 2017 qui est consacrée à Jack Kirby[9].

D’un cycle de communication à l’autre, les contours et les détails de l’année Kirby ont évolué, la programmation se précisant et s’étoffant et un volet culturel venant compléter les premières étapes plus strictement mémorielles. Les bornes de début et de fin mises en avant par les supports de communication renvoient toutes deux, mais de manière différente, à la Seconde Guerre mondiale. L’année a commencé le 11 septembre 2016 par l’inauguration d’une stèle commémorative en hommage à Jack Kirby sur le parcours historique de la bataille de Dornot-Corny[10]. L’inauguration s’est faite de manière officielle, en présence de responsables politiques locaux et nationaux, dont le Secrétaire d’État chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire. Le dernier événement annoncé, initialement pour septembre 2017 puis pour novembre de la même année, est la parution d’un album de bande dessinée intitulé Les batailles de Moselle, au sein d’une série déjà existante chez l’éditeur Casterman, Les reportages de Lefranc, à vocation documentaire et fortement axée sur le second conflit mondial. Entre ces deux bornes, près d’une cinquantaine d’événements sont inscrits au programme[11].

L’opération Kirby Super-Héros associe une pluralité d’acteurs de statuts différents. Portée par le Conseil départemental, elle mobilise les différentes communes et collectivités de son territoire qui accueillent les événements. Le cœur du festival est structuré autour de cinq pays[12], chacun faisant l’objet d’un week-end particulier dans la programmation au cours desquels, entre autres, des compagnies artistiques professionnelles en résidence depuis plusieurs mois dans ces territoires présentent le travail réalisé avec des amateurs locaux. Les populations locales sont partie prenante du festival, en tant que public attendu mais aussi et plus directement à travers les chorales, les harmonies, les ensembles instrumentaux, les troupes de théâtres, les écoles de musique et de danse, à l’occasion de ces collaborations avec des professionnels mais aussi de manière autonome.

L’ensemble de ces opérations s’appuie sur des configurations culturelles et mémorielles déjà existantes. Plusieurs lieux et institutions culturels du territoire hébergent certains temps du festival, tels que le Château de Malbrouck[13], le Musée de la Guerre de 1870 et de l’Annexion[14] à Gravelotte, la Halle Verrière de Meisenthal[15] ou le Parc Explor Wendel de Petite-Rosselle[16]. Les commémorations s’intègrent à des actions déjà récurrentes (par exemple, la Journée départementale de la mémoire mosellane), dans des sites mémoriels déjà constitués, tel que le parcours du souvenir de Dornot-Corny, ensemble de stèles et de panneaux mis en place en 2010 à l’initiative de l’association Thanks GIs[17], soutenue par le Conseil départemental et la Communauté de communes du Val de Moselle, afin d’entretenir le souvenir des combattants de cette bataille meurtrière de 1944.

Si la formule 2017 de Cabanes ajoute une dimension mémorielle moins présente dans les éditions précédentes, elle relève néanmoins tout à fait des mêmes logiques. Inscrite sur l’ensemble du territoire mosellan, il s’agit d’une opération classique d’animation d’un territoire, organisant la participation de plusieurs segments de sa population. Ses finalités sont avant tout territoriales et ses principes structurants sont en fait largement indépendants du thème ou, en l’occurrence en 2017, de l’auteur et de l’œuvre retenus comme ligne fédératrice.

L’articulation difficile d’une œuvre et d’une biographie

Malgré cette relative autonomie organisationnelle du dispositif à l’égard de sa thématique, le « centenaire de la naissance [de Jack Kirby] » est bien présenté comme l’occasion « de lui rendre hommage tout au long de l’année 2016-2017 » et « l’histoire de la Moselle permet de relater l’œuvre exceptionnelle de Jack Kirby »[18]. L’accent est mis sur l’homme comme sur son œuvre et sur la façon dont l’histoire locale, à laquelle Jack Kirby a ponctuellement pris part, permet de rendre compte de l’un comme de l’autre.

Il est cependant bien difficile de faire correspondre ces deux dimensions, biographique et artistique. Au-delà des ambiguïtés de toute démarche de ce type, qui laisse une part souvent trop grande à l’interprétation des œuvres, la relation entre l’œuvre de Jack Kirby et les aléas de sa vie (et plus encore de son passage en Moselle) est rendue particulièrement complexe en raison du contexte particulier de production dans lequel il a été amené à réaliser ses bandes dessinées. Auteur de comics mainstream[19], Jack Kirby n’a pu aborder que de manière indirecte et encadrée la diversité de son expérience biographique.

Une carrière dans le mainstream

Né le 28 août 1917 à New York[20], Jack Kirby, de son vrai nom Jacob Kurtzberg, appartient à la première génération de créateurs ayant travaillé dans les comic books, ce format de presse spécialisée et bon marché consacrée à la bande dessinée et apparu au milieu des années 1930 aux États-Unis. Après des débuts dans les studios d’animation et des efforts pour percer dans l’illustration de presse dans la deuxième moitié des années 1930, Jack Kirby a en effet commencé à publier, en tant que dessinateur et/ou scénariste, dans les comic books dès 1938. À partir de 1940, il travaille pour l’éditeur Timely (devenu Marvel Comics par la suite). C’est là qu’il va co-créer avec Joe Simon le super-héros patriotique Captain America à la fin de l’année 1940. À partir de ce très grand succès commercial, le duo Simon & Kirby devient l’une des références du marché du comic book, travaillant pour plusieurs éditeurs et supervisant la production de plusieurs titres[21].

La guerre interrompt la carrière de Jack Kirby, mobilisé en juin 1943. Après ses classes, il débarque en France en août 1944 et participe à la campagne militaire. C’est dans ce cadre qu’il prend part à la bataille de Dornot-Corny, au cours de laquelle 945 soldats américains (sur 1 200 engagés) sont tués, blessés ou portés disparus autour de la Moselle et dans les bois alentours. Il se bat durant la campagne de Metz sur plusieurs semaines. Blessé aux pieds par le froid, il est hospitalisé à l’arrière en novembre 1944 et retourne aux États-Unis pour la fin de l’année. Il est démobilisé en juillet 1945.

De retour dans la vie civile, Jack Kirby reprend sa carrière dans les comics, en partie avec son partenaire Joe Simon. Ils produisent ensemble dans différents genres à la mode (western, science-fiction, crime, horreur) et contribuent en 1947 à lancer un nouveau genre à succès, les romance comics (bandes dessinées sentimentales) qui assureront une grande part de leur activité pendant près d’une dizaine d’années.

Les années 1960 correspondent à la période créative la plus connue de Jack Kirby. C’est au cours de cette décennie qu’il va co-créer et animer, essentiellement avec le scénariste et éditeur Stan Lee, les principaux super-héros de l’éditeur Marvel. Outre une reprise de Captain America, il co-crée les Fantastic Four, Hulk, Thor, le soldat et espion Nick Fury, les équipes des Avengers et des X-Men. Il s’agit là de certains des principaux piliers artistiques et commerciaux de toute la bande dessinée américaine.

En partie pour des questions de propriété et de reconnaissance de son travail, Jack Kirby quitte Marvel en 1970 pour son principal concurrent l’éditeur DC Comics, où il développe principalement un ensemble de séries formant le cycle, achevé prématurément faute de succès suffisant, du Fourth World[22]. Il reviendra néanmoins chez Marvel brièvement, de 1976 à 1978, avant de s’éloigner de la bande dessinée pour l’animation. Dans les années 1980, il publie cependant encore quelques bandes dessinées, chez DC Comics, mais aussi, de manière nouvelle pour lui, chez des éditeurs indépendants (Pacific Comic par exemple) liés au marché spécialisé dit Direct market alors en plein développement[23]. Cette période des années 1970-1980 est particulière : les bandes dessinées de Jack Kirby rencontrent moins de succès que ses précédentes productions mais sont plus personnelles[24], car il occupe à la fois les fonctions créatives de scénariste et dessinateur et de responsable éditorial (editor). Il y développe fortement la veine « cosmique » (demi-dieux et aventures spatiales) qui marque une grande partie de son œuvre. En 1994, Jack Kirby meurt.

Cet aperçu biographique appelle deux séries de remarques pour comprendre les caractéristiques de l’œuvre de Jack Kirby et les liens qu’elle entretient avec sa vie. D’abord, et l’ampleur de sa carrière (plus de 55 ans de carrière) le laisse imaginer, cette œuvre est très vaste – estimée à environ 21 000 pages de bande dessinée publiées (Hatfield, 2012 : 7) – et nécessairement multiforme, s’étendant sur plusieurs vogues et modes éditoriales. L’œuvre est traversée de variations génériques constantes (du western au super-héros en passant par le crime et la romance) ainsi que d’évolutions stylistiques, liées à la transformation du trait du dessinateur au fil de sa carrière mais aussi à l’influence des codes narratifs en vigueur dans les comics (en matière de mise en page, de place accordée au texte, de public visé par les éditeurs…). Cette diversité est souvent écrasée par la visibilité et la notoriété de certains des succès de Jack Kirby, au premier rang desquels ses séries Marvel de super-héros des années 1960. Elle témoigne surtout de la façon dont l’œuvre de Kirby est avant tout inscrite dans une production de genres, c’est-à-dire soumise à des contraintes thématiques, narratives et esthétiques fortes qui s’imposent aux créateurs. Dans ce vaste ensemble, l’expression d’une expérience autobiographique est nécessairement limitée à une adaptation, comme on le verra, à l’un ou l’autre de ces genres. L’autobiographie à proprement parler ne se développe réellement en bande dessinée aux États-Unis qu’à partir des années 1970 (Hatfield, 2000 ; Gardner, 2008 ; Gabilliet, 2004 ; Kunka, à paraître), en marge des éditeurs mainstream au sein de l’undergound, et ne constitue pas, pour l’essentiel de la période d’activité de Jack Kirby, un genre à part entière dont il aurait pu se saisir[25]. Ensuite et de manière plus fondamentale, cette œuvre a été produite dans un contexte bien spécifique, lié aux logiques de fonctionnement de l’industrie du comic book aux États-Unis. Deux aspects de ces logiques sont ici particulièrement importants.

Premièrement, le mode de production dominante des comic books repose sur un principe de division des tâches. Sont associés, sans forcément de contacts directs, un scénariste, un dessinateur, un encreur, un lettreur, un coloriste, sous une supervision éditoriale assez importante. Dans les années 1930-1950, cette division était particulièrement forte avec parfois plusieurs assistants intervenant sur un même récit, voire sur une même planche. C’est dans ce cadre collaboratif que l’essentiel de l’œuvre de Jack Kirby a été produit. A minima, deux figures partagent avec lui ses principales créations : Joe Simon – co-scénariste, également dessinateur et encreur, responsable éditorial – et Stan Lee – co-scénariste, dialoguiste, responsable éditorial.

Deuxièmement, le fonctionnement ordinaire de production dépend d’un cadrage strict par la maison d’édition, propriétaire des bandes dessinées produites comme des personnages. C’est dans ce cadre contraignant qui dicte des impératifs industriels de régularité de la production, de réponse à la demande, de standardisation selon les genres les plus en vogues que Jack Kirby a mené la quasi-totalité de sa carrière. Même lorsqu’il produira des séries pour des éditeurs indépendants dans les années 1980, il restera inscrit dans les genres les plus établis (super-héros avec Silver Star en 1983-1984, science-fiction avec Captain Victory and the Galactic Rangers de 1981 à 1983).

Produite collectivement et sous contrainte éditoriale, l’œuvre de Jack Kirby ne peut être qu’indirectement autobiographique, qu’indirectement liée aux circonstances qu’il a traversées, qu’elles soient liées à la guerre ou à tout autre événement biographique. La personnalisation de l’œuvre est ici à chercher ailleurs, dans la graphiation (Marion, 1993) – le caractère idiosyncratique du trait –, dans la mise en page, ou dans l’emphase et la démesure qui marquent ses récits et ses personnages. En ce sens, l’expérience combattante de Jack Kirby et son passage en Moselle ne se retrouvent qu’en filigrane de son œuvre.

L’expérience de la guerre et son expression

Dans la production nombreuse et très variée de Jack Kirby, la guerre proprement dite, et plus particulièrement la Seconde Guerre mondiale, ne représente qu’une entrée thématique secondaire. Elle apparaît selon trois modalités : une évocation directe, une recontextualisation générique ou une transposition plus distante.

Un genre particulier de l’édition du comic book permet une représentation directe de la guerre : les war comics[26]. Sans être centraux dans ce marché, les comics de ce type ont connu quelques périodes de développement importants. Le premier titre entièrement dédié à la thématique, War Comics de Dell Comics est apparu au début de l’année 1940, suivi par quelques autres séries après l’attaque de Pearl Harbor. Rapidement intégré à d’autres genres plus vendeurs (et qui renvoient à notre deuxième modalité), la guerre a réapparu comme thématique éditoriale en 1950 avec les débuts de la guerre de Corée et s’est poursuivie, avec un déclin progressif, dans les années 1960 et 1970 avant de disparaître presque complétement. Proportionnellement à son activité, Jack Kirby a peu contribué à ce genre, bien qu’il en ait produit quelques images parmi les plus frappantes et célèbres[27]. Dans les années 1950, il a publié moins d’une vingtaine de récits courts et de couvertures dans des séries telles que Foxhole Comics (Mainline) ou Battle (Atlas/Marvel)[28], en tant que dessinateur mais aussi, ce qui est plus rare chez lui, comme scénariste. Ces premiers récits s’inscrivent dans la veine (semi-) réaliste des war comics de l’époque, tournés autant vers la Seconde Guerre mondiale que vers la guerre de Corée. Jack Kirby revient au genre dans les années 1960 et 1970 pour des séries moins réalistes avec des héros récurrents. En 1963-1964, il a dessiné pour Marvel Sgt. Fury and the Howling Commandos pendant sept numéros. Enfin, en 1974-1975, dans Our Fighting Forces (DC Comics), il reprend des personnages de l’éditeur, The Losers, pour douze numéros qu’il réalise entièrement. Si elles peuvent parfois exprimer une certaine noirceur de la guerre, ces deux séries s’inscrivent cependant davantage dans le registre de l’aventure et sont marquées par « l’exubérance outrée » et « sensationnaliste » du style que Jack Kirby adopte pour représenter ces personnages, véritables « super-héros sans super-pouvoirs »[29] – s’approchant ainsi de la deuxième modalité que nous avons annoncée[30].

C’est à travers sa recontextualisation générique que la guerre est la plus souvent présente dans l’œuvre de Kirby. Les aventures de guerre s’y mêlent à d’autres genres, plus classiques et plus fréquentés par l’auteur. Le personnage et la série Captain America en sont l’illustration la plus marquée, organisant – de manière quasi-fondatrice pour ce genre – le croisement entre récits de guerre et aventures super-héroïques. Dans sa première incarnation des années 1940 (animée par Joe Simon et Jack Kirby pour les dix premiers numéros entre 1940 et 1942), le héros aux couleurs américaines, militaire sous son identité réelle, affronte régulièrement espions et soldats nazis et japonais (mais le plus souvent sur le territoire américain) après avoir commencé, dès la couverture du premier numéro, en frappant Adolf Hitler au visage. Dans son incarnation des années 1960 (animée par Stan Lee et Jack Kirby entre 1964 et 1969), la Seconde Guerre mondiale continue à apparaître, dans des flash-backs ou dans ses conséquences sur le héros qui y a perdu son ami le plus proche.

Cette recontextualisation a joué en direction d’autres genres que les super-héros[31]. Un autre succès de Jack Kirby avec Joe Simon, The Boy Commandos (DC Comics 1942-1949), relève ainsi du genre particulier du « kid gang », groupes d’enfants débrouillards inspirés des Dead End Kids apparus dans une pièce de théâtre en 1935 puis une série de films à partir de 1937 et largement copiés dans d’autres séries de cinéma (Hatfield 2012 : 5-6). Jack Kirby a contribué à la création de nombreux gangs de ce type : The Young Allies, The Newsboy Legion, Boy Explorers, Boys’ RanchThe Boy Commandos applique la formule au récit de guerre, plaçant au cœur d’aventures guerrières un groupe de quatre jeunes orphelins intégrés dans un commando d’élite. La Seconde Guerre mondiale sert ainsi de décor à des récits d’aventure, patriotiques comme la plupart des comics de l’époque et surtout bien peu réalistes.

Compte tenu de la place que le conflit (entre super-héros, entre demi-dieux…) occupe dans son œuvre, c’est sur le mode de l’évidence que l’impact de la guerre sur Jack Kirby est régulièrement évoqué (« L’expérience de Jack Kirby en Moselle a forgé son style[32] ») et que ses récits sont vus comme des transpositions, des évocations sublimées de la guerre, de ses situations et de ses effets.

« Sa campagne de France a marqué durablement son art, aussi bien dans ses thématiques (guerres entre divinités cosmiques, super-héros cuirassées, armes hyper-technologiques…) que dans sa narration (expressionnisme corporel des personnages) et son dessin (mouvements et lignes de force, explosions) » (extrait du texte de la borne commémorative Jack Kirby, parcours du souvenir de Dornot-Corny).

Les récits de combats qu’il avait accumulés, par ses propres souvenirs ou au travers d’histoires entendues racontées par d’autres combattants, auraient « informé son œuvre et sa vie, de la même manière que les cauchemars à propos de la guerre ont harcelé son sommeil jusqu’à la fin de ses jours » (Hatfield, 2012 : 4). Pour l’auteur américain Glen David Gold (2015), plusieurs récits expriment assez directement les tensions subies par les vétérans souffrant de syndrome post-traumatique – Captain America torturé par le souvenir de ses combats – et le sentiment de dissociation qu’ils peuvent éprouver – tel le héros Silver Star s’échappant dans un monde onirique. De la même manière, pour Charles Hatfield (2012 : 206), l’histoire de combat de fantasy mythologique de « The Pact » dans The New Gods (n7, février-mars 1972) est une « histoire de guerre, point ». Ainsi Jack Kirby évoquerait-il son expérience de la guerre et de ses effets par une transposition dans des contextes narratifs apparemment très éloignés.

Cependant, il est difficile d’attribuer au seul passé combattant de Jack Kirby cette centralité du conflit. Le genre super-héroïque, comme la plupart de ceux que Jack Kirby travaille, est de manière constitutive construit autour du conflit, et ce quels qu’en soient les auteurs. Plus encore, il est réducteur de réduire Jack Kirby à sa seule expérience de la guerre. Son origine sociale, sa jeunesse dans les quartiers populaires dans lesquels il a été confronté à la violence sont sans doute tout autant à prendre en considération pour comprendre sa conception agonistique du monde et de la narration (Hatfield, 2012 : 6).

Si l’évocation de la guerre par Jack Kirby reste marginale et/ou indirecte dans son œuvre, la restitution explicite de son expérience personnelle du combat – et encore plus, de son passage en Moselle – ne peut être que très minime. Dans le corpus de guerre de Jack Kirby, il est malgré tout possible de retrouver des images qui semblent évoquer directement des situations vécues par l’auteur. Lui-même revendiquait cette inspiration :

« J’ai eu le privilège de faire The Losers pour DC, une histoire de guerre, et j’y ai mis des éléments réels, des éléments dont j’avais fait l’expérience, et bien sûr cela facilitait le réalisme de l’histoire, cela la rendait acceptable. Ce n’était pas une histoire de guerre de fantaisie. C’était le vrai truc. Mais les personnages étaient hauts en couleur, et ils avaient une raison pour être là. C’était leur histoire mais leur environnement était réel et ils étaient alors acceptés par le lecteur » (interview de Jack Kirby par James Van Vise, The Golden Age of Comics, n6, nov. 1983, cité par Caputo [2012]).

Quelques histoires des années 1950 sont signées en utilisant une identification militaire : « by P.F.C. [Private First Class] Jack Kirby, 5th Division, 3rd Army, 1942-1944 » – même lorsque celles-ci portent sur des événements éloignés de ceux connus par Jack Kirby[33]. Le biographe Jean Depelley (2013 : 65-87, 152-153) a ainsi pointé dans son ouvrage sur Jack Kirby plus d’une douzaine de fragments de récits pouvant, d’une manière ou d’une autre, être rattachés à des scènes vues ou vécues par Jack Kirby : ville anglaise bombardée et réfugiés dans le métro (Sgt. Fury 4), combats entre tanks et fantassins (Battle 70, Our Fighting Forces 151 et 155), bois bombardé comme le Bois du fer à cheval à Corny (Our Fighting Forces 151), traversée en canot sous les tirs ennemis comme sur la Moselle (Sgt. Fury 3)…

Au-delà du lien thématique et historique, le caractère autobiographique de ces séquences reste cependant affaire d’interprétation. Cette interprétation est inévitablement difficile : le contexte des récits est parfois clairement distinct de celui connu par Jack Kirby[34], l’attribution des œuvres est souvent incertaine[35], la mise en relation repose sur des anecdotes racontées tardivement par Jack Kirby, répétées et déformées au fil du temps (Hatfield 2012 : 4 ; Evanier 69).

Les représentations les plus directes de la guerre et de la campagne messine de Jack Kirby sont à trouver dans les dessins privés qu’il a réalisés durant son incorporation : autoportraits en uniforme, portraits de compagnons d’armes, soldats sous le feu (un dessin de ce type est annoté Metz, Oct. 1944), lettres illustrées à ses proches. De par leur caractère privé, ces dessins n’ont connu qu’une circulation d’abord confidentielle puis tardive et spécialisée dans des publications critiques[36]. Ils sont en ce sens en marge de l’œuvre publiée et de la façon dont la guerre y est représentée.

La double transformation d’une œuvre

Une œuvre faiblement autobiographique, un rapport oblique à la guerre et à l’expérience combattante, des traces seulement résiduelles des combats en Moselle : on le comprend, l’œuvre de Jack Kirby nécessite une série d’adaptations pour être intégrée dans le dispositif de Cabanes 2017 et porter son propos mémoriel et territorial. Les transformations opérées s’inscrivent autour de deux axes. D’une part, l’œuvre est saisie à travers ses manifestations les plus familières, que ce soient ses adaptations transmédiatiques ou son appartenance indistincte à la tradition de la bande dessinée. D’autre part, elle fait l’objet d’une extension thématique : ses thématiques secondaires deviennent centrales, ses thématiques centrales prennent une dimension nouvelle en s’ouvrant à des enjeux locaux et mémoriels.

L’œuvre dessinée ou ses adaptations ?

Dans le corpus formé par les supports de communication produits par la Moselle, seuls certains aspects de l’œuvre de Jack Kirby sont mis en avant. L’identité visuelle de l’année Kirby Super-héros, Cabanes 2017 repose avant tout sur un habillage très générique, qui ne mobilise pas de dessins de Jack Kirby. Le visuel principal (dossier de presse mars 2017, brochure du festival, flyers et affiches, illustrations dans Moselle Infos) présente en effet deux silhouettes (en noir, cernées de bleu) clairement identifiable par leurs capes et leurs poses, comme celles d’un super-héros (sur fond bleu) et d’une super-héroïne (sur fond rose). Le titre de l’année (également en rose et bleu) apparait dans une bulle de bande dessinée. Ce visuel a connu diverses déclinaisons selon les supports du Conseil départemental. On peut faire l’hypothèse que son caractère générique[37] est le reflet de contraintes juridiques quant à l’utilisation d’images de Jack Kirby qui, pour l’essentiel, sont liées à des personnages propriétés d’éditeurs soucieux de contrôler (et monnayer) leur utilisation.

Néanmoins, ces supports de communication intègrent des éléments de l’œuvre de Jack Kirby selon trois modalités principales. D’abord, sont utilisés les dessins privés réalisés par Jack Kirby pendant la Seconde Guerre mondiale : autoportraits, scènes de combat[38]. Ensuite quelques extraits de ses bandes dessinées sont repris[39]. Ils sont en petit nombre : couvertures de comic books (Captain America 1, Foxhole 4, Avengers 4, Fantastic Four 49, Tales of Suspense featuring Iron Man and Captain America 59…), extraits de pages intérieures de Our Fighting Forces (avec The Losers), couverture de l’édition française de l’intégrale Jack Kirby’s The Losers. Un autoportrait célèbre accompagne à plusieurs reprises ces extraits, représentant Jack Kirby à sa table à dessins, entourés de ses super-héros Marvel les plus célèbres, surgissant de la planche qu’il est en train de dessiner. Enfin c’est à travers ses personnages que l’œuvre est évoquée : masques de super-héros (Thor, Hulk, Captain America) distribués aux enfants présents lors de l’inauguration de la stèle commémorative, dessin (par un dessinateur anonyme) de personnages en couverture de Moselle Infos (n48 : Thor, la Torche Humaine, Galactus, Hulk, le Silver Surfer).

Outre la guerre vécue et les traces spécifiques du passage de Jack Kirby en Moselle, la représentation de l’œuvre se concentre ainsi sur des éléments qui, s’ils sont essentiels dans la carrière de l’auteur, n’en représentent qu’une partie bien spécifique : les super-héros Marvel. L’auteur s’efface derrière ses créations – et ce d’autant plus que celles-ci sont marquées par une grande autonomie par rapport à leur (co-)créateur. L’ensemble des personnages cités sont avant tout connus (particulièrement pour la période contemporaine, en France) par leurs prolongements au-delà de l’œuvre originelle de Jack Kirby. Prolongements par d’autres auteurs – Jack Kirby n’ayant travaillé que quelques années sur la plupart de ces personnages dont de nouvelles aventures sont publiés sans interruption depuis plusieurs décennies maintenant. Prolongements transmédiatiques surtout : dessins animés à la télévision depuis les années 1960[40], cinéma depuis les années 1940 pour Captain America et, de manière incontournable, depuis 2008 lorsque Marvel a mis en place son propre studio de productions et a produit des films au succès international (dont précisément les séries des Captain America, Avengers ou Thor pour ne citer que ceux directement liés aux personnages de Jack Kirby)[41]. C’est la familiarité à ces formes dérivées de l’œuvre[42] qui est mobilisée par le dispositif Cabanes dans sa commémoration de Jack Kirby, organisée « à l’heure où les super-héros s’affichent dans notre quotidien[43] ».

En cohérence avec cet attachement aux formes remédiatisées de l’œuvre, la communication et les événements de l’année Kirby se caractérisent par une absence de discours spécifique sur les caractéristiques propres de l’œuvre. Œuvre de super-héros, l’œuvre de Jack Kirby est prise en compte comme une œuvre de bande dessinée, sans que son identité stylistique ou narrative ne fasse l’objet d’une appréciation particulière.

La bande dessinée comme forme d’expression et comme support narratif est intégrée dans la programmation de Cabanes 2017, bien que le festival repose avant tout sur le spectacle vivant et la musique. La thématique Kirby est ainsi accompagnée par la création d’un nouveau festival de bande dessinée en Lorraine, au château de Malbrouck, dont la première édition s’est tenue du 3 au 5 juin 2017. Le château a également accueilli l’exposition Les Héros dessinés, du 1er avril au 29 octobre 2017, présentant des planches originales. Le Conseil départemental a enfin négocié, comme on l’a vu, la réalisation au cours de l’année d’un album de bande dessinée traitant des batailles de la Moselle, dont celle de Dornot-Corny[44]. Les bandes dessinées de Jack Kirby sont intégrées dans ce cadre puisque une douzaine de ses planches originales sont présentées dans les expositions et que des dioramas inspirés de ses œuvres en font partie. Un partenariat éditorial entre le département et l’éditeur français, Urban Comic, a de plus permis la parution anticipée d’un volume regroupant l’intégrale des épisodes des Losers réalisés par Jack Kirby[45].

Malgré cette présence, l’œuvre de Jack Kirby est peu visible au-delà des quelques images reproduites dans les supports et des quelques pièces originales exposées. Certaines de ses thématiques, on le verra, sont davantage explorées mais ses récits et ses formes propres restent en retrait. Il n’y a pas ou très peu de commentaire sur le style, énergique et massif, du dessinateur, ou sur les aspects exagérés, apocalyptiques et mythologiques[46] de ses récits les plus personnels[47]. Dans plusieurs composantes du festival Cabanes 2017, ce sont en revanche d’autres traditions esthétiques de la bande dessinée qui sont mises en avant. La « ligne claire » classique de Jacques Martin le créateur d’Alix et de Lefranc – et très éloignée du style de Jack Kirby comme des comics en général – est très présente : une des trois salles de l’exposition Les Héros dessinées est dédiée à l’univers de cet auteur et de ses héros repris par différents auteurs et Olivier Weinberg, qui dessine l’album Les batailles de Moselle, est un collaborateur de Jacques Martin dont il s’inspire pour son style graphique. Si Olivier Weinberg « suit les traces[48] » de Jack Kirby, ce sont ses traces historiques plutôt qu’artistiques. De manière similaire, le festival de Malbrouck a comme parrain le dessinateur Hermann, au style franco-belge réaliste. L’affiche du festival qu’il dessine dans son propre style renvoie à la thématique guerrière (présente dans son œuvre) et non à Jack Kirby, ses créations ou son style. Œuvre de bande dessinée, la production de Jack Kirby apparaît comme pouvant être évoquée à travers d’autres œuvres de bande dessinée, quels que soient leurs écarts esthétiques.

Une extension thématique

Prise comme base de Cabanes 2017, l’œuvre de Jack Kirby, envisagée au prisme de son passé militaire lié à la Moselle, fait l’objet d’une double extension thématique à travers la programmation du festival. Cette approche extensive de l’œuvre ouvre le dispositif de manière à y intégrer les très nombreux événements que le département a répertorié et labellisé et à leur conférer une signification territoriale spécifique[49].

Le premier axe de cet élargissement est la guerre. Dans la programmation de Cabanes, cette thématique secondaire de l’œuvre devient centrale par la rencontre qu’elle opère entre la biographie de Jack Kirby et le territoire. En écho au passage de Jack Kirby en Moselle, la Seconde Guerre mondiale traverse le festival 2017. Les commémorations de la bataille de Dornot-Corny ont lancé l’année en septembre 2016. L’exposition Les Héros oubliés, mêlant documents historiques, mannequins en armes et uniformes, dioramas, pages de bande dessinée, entend restituer, au sein du Musée de la Guerre de 1870 et de l’Annexion la bataille de Dornot-Corny comme la libération de la Moselle dans son ensemble. La Seconde Guerre mondiale se retrouve aussi dans d’autres opérations moins centrales du festival, tels que des concerts du Glenn’s Swing Orchestra, big band professionnel « en uniforme galonné et casquette d’officier[50] » interprétant les airs célèbres de années 1930 et rendant hommage à Glenn Miller et à son orchestre des forces alliées.

La même logique d’extension thématique fait qu’au-delà du dernier conflit mondial, ce sont les « héros combattants de la bande dessinée » de tous les conflits, « de la Guerre de Troie à la Guerre des étoiles », « de l’Antiquité jusqu’au futur de Marvel » que l’exposition Les Héros dessinés rattache au dispositif Cabanes 2017. Sur le même mode, l’affiche du festival de bande dessinée de Malbrouck, réalisée par Hermann, juxtapose un char de combat, un chevalier et un guerrier post-apocalyptique devant la silhouette du château de Malbrouck.

Le second axe de redéfinition thématique prend le double prétexte des super-héros, auxquels Jack Kirby est si fortement associé, et de son courage de soldat impliqué dans une bataille sanglante pour développer le registre de l’héroïsme, pris dans son acception la plus large. Les super-héros – ceux de Jack Kirby ou d’autres plus indéterminés – sont au principe de plusieurs animations. La cérémonie d’hommage à Jack Kirby était accompagnée d’enfants portant, on l’a dit, les masques de ses personnages les plus célèbres. Un concours « Crée ton super-héros, ta super-héroïne » a été proposé à près de 1 700 élèves du département et les résultats ont été présentés au public. Des spectacles sont organisés autour des personnages de Jack Kirby : Intermonde, qui prend place dans le tram de Maizières-lès-Metz, se réfère explicitement au Fourth World des années 1970, le Complexe de Norrin Radd est une évocation du Silver Surfer par un atelier théâtre pour adultes de l’école de musique et de danse de la commune de Woippy. Plusieurs concerts renvoient également aux super-héros, sous forme de clin d’œil (la Fanfare des super-héros ou un groupe local, Nox, rebaptisé en Nox-Men en référence aux héros mutants) ou plus classiquement en jouant les musiques de leurs adaptations cinématographiques les plus célèbres.

Mais la thématique de l’héroïsme est suffisamment ouverte et labile pour permettre d’autres élargissements renvoyant au territoire :

« Tous des héros ! Les héros qui peuplent notre imaginaire ont bien des qualités en commun ! Ils bravent le danger, luttent contre l’adversité, mettent leur énergie au service du plus grand nombre… Courageux, valeureux, audacieux, ils forcent le respect et rendent le monde meilleur ! Ces qualités, les super-héros nés de l’imagination de l’auteur de comics Jack Kirby les partagent avec une foule de héros du quotidien – nous en connaissons tous ! – qui chaque jour, à leur modeste échelle, s’investissent sans compter pour faire le bien autour d’eux. Petit pas par petit pas… En décidant de fêter le centenaire de la naissance de Jack Kirby, GI libérateur de la Moselle et père des super-héros les plus célèbres de la planète dans le cadre de Cabanes 2017, le Département a aussi choisi de souligner l’engagement de tous ces héros d’aujourd’hui, petits et grands » (Patrick Weiten, Président du Conseil départemental, édito de Moselle Infos, 48, mai-juin 2017, p. 3, nous soulignons).

Sur cette base redéfinie, le festival peut fêter les « héros du quotidien » qui « après les libérateurs » ont aidé à la « remise en état et à la reconstruction » de la Moselle (10e journée départementale de la Mémoire mosellane[51]) ou, de manière plus contemporaine, qui « font face aux mêmes soucis quotidiens que vous et moi[52] » (spectacle chorégraphique Blast).

Surtout, c’est « l’épopée héroïque des cités minières[53] » qui peut être racontée et commémorée à travers le dispositif. Le « docu-ciné-concert[54] » #Périphérie# Les Héros du quotidien se veut une « exploration curieuse du Bassin Minier de Petite-Rosselle », accompagnée d’orchestres d’harmonie amateurs locaux[55]. Le spectacle audiovisuel Je ne suis pas un héros… quoi que… utilise les façades de l’ancien site industriel du Parc Explor Wendel comme support pour retracer « l’épopée du charbon » et « les héros de la reconstruction française et leur descendance contemporaine »[56]. L’installation immersive La cité du papier rappelle les cités ouvrières du passé à partir d’une maquette inspirée des plans des Houillères du Bassin de la Lorraine.

Ces deux axes thématiques n’épuisent pas la programmation de Kirby Super-héros, Cabanes 2017 ; l’abondante offre regroupe de très nombreuses propositions qui ne relèvent ni de la guerre, ni de l’héroïsme minier mais qui reflètent simplement l’offre culturelle, professionnelle ou amateur, du moment[57]. Mais ces axes informent des événements qui sont autant de manière de tirer la thématique du festival vers des dimensions plus fondamentales de l’identité et du patrimoine du territoire mosellan que les collectivités tentent de construire et de valoriser.

L’année consacrée à Jack Kirby a débuté par l’inauguration d’une stèle commémorative en son honneur. Sur une face, sa participation à la bataille de Dornot-Corny est rappelée et illustrée de dessins privés et d’extraits choisis de ses comics de guerre. Sur l’autre, se retrouvent les grands jalons super-héroïques de sa carrière d’après-guerre. Si les dessins se répondent dans leur dynamisme et leur style marqué, ces deux faces d’une même biographie – que sa carrière dans le mainstream n’a que rarement permis à Jack Kirby de réunir – sont unies par cette borne, installée par le département de la Moselle. Objectivé dans ce support matériel simple, le principe du dispositif Cabanes 2017 apparait : tenir ensemble l’une et l’autre faces pour réunir les habitants de la Moselle autour d’une même mémoire.

Jack Kirby créateur de super-héros, Jack Kirby héros de guerre passé en Moselle, c’est là la grille de lecture que retient l’opération Cabanes pour donner une portée mosellane à une œuvre qui, qu’elle se déploie dans les comics d’éditeurs new-yorkais ou dans les films d’Hollywood, semble bien loin du territoire mosellan et de son passé minier. Le lien entre une œuvre et un territoire est un travail de sélection, de redéfinition, d’extension – c’est-à-dire un travail de construction.

Références

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[1] « Jack a dit : célébrons nos héros » est le titre de l’article de première annonce du festival Cabanes et de sa thématique pour 2017 (Moselle Infos, 45, nov.-déc., pp. 8-9).

[2] Je remercie ici Carole Bisenius-Penin qui, la première, a attiré mon attention sur l’événement Cabanes 2017 et sa thématique Kirby.

[3] Pour une illustration d’analyses de la genèse d’opérations telles que Cabanes ou des configurations qui l’informent sur un territoire sensiblement identique, voir V. Appel et al. (2008).

[4] Une première version de notre article a été présentée lors des journées d’études internationales « La Lorraine des écrivains : création littéraire et territoire » des 1er et 2 décembre 2016 à Metz. Seule une première ébauche du programme avait alors été diffusée par le département (conférence de presse et dossier de presse du 5 sept. 2016, article dans Moselle Infos, 45, nov.-déc. 2016). La présente version intègre des éléments de communication diffusés jusqu’à la mi-mai 2017. La programmation, comme on le verra, débute en avril et s’étend jusqu’à la fin de l’année 2017. Pour l’essentiel, nous n’avons donc qu’une connaissance indirecte, à travers la communication départementale, des événements mentionnés.

[5] Nous nous appuyons principalement ici sur les dossiers de presse diffusés par le Conseil départemental (daté du 5 sept. 2016 et du 31 mars 2017), la brochure présentant le festival (datée du 24 mars 2017, diffusée à partir d’avril 2017), le site dédié mis en place en mars 2017 (kirbysuperheros.fr, et son site miroir cabanes-festivaldemoselle.fr), le suivi des comptes facebook associés (Conseil départemental de la Moselle (@departement57), site Moselle Passion – Château de Malbrouck (@chateaudeMalbrouck), festival de BD château de Malbrouck (@festivalbdmalbrouck), l’Association ThanksGI’s, le journal de la collectivité départementale (Moselle Infos, 45, 47, 48).

[6] Nous nous appuyons ici notamment sur le communiqué de presse de l’édition 2015 du festival.

[7] L’expression « culture pour tous et culture par tous » est utilisée par le Président du Conseil départemental de la Moselle dans l’édito du second dossier de presse de Cabanes 2017 (daté du 31 mars 2017), p. 3.

[8] Et inversement, on le verra, les événements Cabanes 2017, ne se réduisent pas à J. Kirby.

[9] Le premier dossier de presse (daté du 5 septembre 2016) présentait un calendrier allant du 11 septembre 2016 au 10 septembre 2017. Le second dossier (daté du 31 mars 2017) recense « tous les rendez-vous Cabanes en 2017 », d’avril à décembre.

[10] La « stèle » dédiée à J. Kirby, telle qu’elle est nommée dans la communication du département, est une borne illustrée, dont les deux faces présentent des couvertures et des extraits de ses comics, certains de ses dessins de guerre et quelques citations de lui évoquant ses souvenirs de guerre. Elle développe une rapide biographie de J. Kirby et de sa carrière dans la bande dessinée.

[11] Le premier dossier de presse (daté du 5 septembre 2016) annonçait 7 événements, le second (daté du 31 mars 2017) en liste 22. Le site internet, consulté le 15 mai 2017, recensait 48 événements.

[12] Les territoires autour desquels la programmation est structurée sont les pays de Sarreguemines – Bitche, de Thionville, de Forbach – Saint-Avold, de Metz – Orne et de Sarrebourg – Château-Salins.

[13] Le château de Malbrouck est un château fort appartenant au Conseil départemental de la Moselle. Monument historique, c’est aussi un lieu régulier d’expositions et de spectacles.

[14] Le Musée de la Guerre de 1870 et de l’Annexion appartient au Conseil départemental, consacré à l’histoire spécifique du territoire, liée à la guerre de 1870 et à ses suites.

[15] La Halle Verrière de Meisenthal est un site lié au passé verrier et devenu lieu de diffusion et de création.

[16] Le Parc Explor est un site minier important, aujourd’hui consacré à la conservation de ce patrimoine industriel.

[17] Thanks GIs est une association locale créée en 1998 pour entretenir le souvenir des soldats américains ayant participé à la libération de la Moselle. Pour une présentation de cette association, voir notamment son site web (http://thanksgis.com/v2/) ainsi que le portrait de sa présidente dans Moselle Infos, 44, sept.-oct. 2016, p. 12. Cette association a contribué à la redécouverte du passage de J. Kirby en Moselle et à initier les opérations de 2017.

[18] Les phrases évoquant le centenaire de J. Kirby et l’hommage qui lui est rendu sont reprises de l’introduction du premier dossier de presse (daté du 5 septembre 2016).

[19] Le terme mainstream, d’usage courant dans le monde des comics comme dans d’autres industries culturelles, est utilisé ici pour désigner les logiques hétéronomes, marquées par les enjeux économiques, du secteur de grande production dans la bande dessinée américaine. C’est bien avant tout comme industrie que l’édition de bande dessinée américaine s’est d’abord développée, n’intégrant les enjeux proprement artistiques et esthétiques que de manière secondaire ou instrumentale. Le terme mainstream est cependant partiellement anachronique ici puisque la catégorie n’a réellement pris son sens qu’à partir de l’existence d’un pôle distinct de ses logiques économiques, avec l’émergence de l’underground dans les années 1960, soit après la première période d’activité de J. Kirby. Sur l’histoire de l’industrie américaine du comic book, voir J.-P. Gabilliet (2004). Sur le développement de l’underground, voir plus particulièrement C. Hatfield (2005). Pour une discussion de la notion d’indépendance et de mainstream en bande dessinée, voir notamment C. Dony, T. Habrand., G. Meesters., (2014).

[20] L’ouvrage de référence de C. Hatfield (2012 : 20-35) propose une synthèse éclairante de la carrière de J. Kirby en six périodes, que nous suivons ici en partie. Pour d’autres approches biographiques voir notamment M. Evanier (2008) et J. Depelley (2013). Ce dernier ouvrage est particulièrement détaillé sur le passage militaire de J. Kirby en Moselle.

[21] Pour une présentation abondamment illustrée du studio de production Simon & Kirby, voir M. Evanier (2014).

[22] The Fourth World (Le Quatrième Monde) est un ensemble de récits inscrits dans l’univers fictionnel de DC Comics introduisant des personnages et des contextes inédits créés par J. Kirby et répartis dans quatre séries : Superman’s Pal Jimmy Olsen (n133-148, en 1970-1971), The Forever People (n1-11, de 1971 à 1972), New Gods (n1-11, de 1971 à 1972), Mister Miracle (n1-18, de 1971 à 1974). Pour une analyse de cet ensemble, voir C. Hatfield (2012 : 172-205).

[23] Le direct market désigne le réseau des boutiques spécialisées (comic shops) reposant sur un système de distribution et de précommande qui le distingue du marché classique des kiosques de presse. Ce réseau a permis la création et l’activité de nombreux éditeurs de tailles plus modestes que les deux grands éditeurs mainstream que sont Marvel et DC Comics.

[24] Pour C. Hatfield (2012 : 13) la période des années 1970 est la plus représentative de « l’auteur » Kirby, de son style et de sa manière de penser.

[25] J. Kirby n’a publié qu’un seul récit explicitement autobiographique, Street Code. Dessinée en 1983 mais publié seulement en 1990 dans la revue Argosy, cette courte histoire de huit pages en noir et blanc, évoquant son enfance dans les quartiers populaires de New York, a été republié en 2000 (Cooke, Morrow, 2000).

[26] Outre les références générales déjà citées sur les comic books (Gabillet, 2010), nous nous appuyons ici sur quelques publications spécifiquement consacrées à cette thématique (Uslan, 1979 ; Rifas, 2000 ; Conroy, 2009).

[27] La couverture de Foxhole Comics n1 (Mainline, octobre 1954) est régulièrement reproduite. On y voit un GI au visage presque totalement bandé, sur une plage de débarquement, écrire une lettre à sa mère : « La guerre est comme un pique-nique. Aujourd’hui nous avons passé une journée à la plage ». Mais le caractère réaliste et amer de ce dessin est atypique, dans la production de J. Kirby comme dans celle plus large des war comics.

[28] Les deux séries Foxhole Comics et Battle représentent le corpus principal de J. Kirby dans ce genre dans les années 1950 mais ponctuellement d’autres récits ou couverture de guerre ont été publiés (par exemple, quatre couvertures pour Warfront [Harvey] en 1956-1957).

[29] Nous empruntons ces jugements sur The Losers à M. Conroy (2009 : 80, 94).

[30] Ces personnages de Nick Fury et des Losers ont d’ailleurs été intégrés par les deux éditeurs dans leurs univers fictionnels super-héroïques : Fury comme agent secret incontournable de l’univers Marvel (y compris au cinéma), les Losers comme personnages plus secondaires chez DC.

[31] La recontextualisation générique réalisée par J. Kirby s’observe plus ponctuellement dans d’autres genres, tels que les romance comics –voir par exemple les six pages et demi de Dear John : I love someone else dans Young Brides 3 (Prize, janv.-févr. 1953) qui racontent l’histoire d’amour entre un GI et une WAC (membre du Women’s Army Corp) en temps de guerre.

[32] Nous citons le dessinateur O. Weinberg, associé à Cabanes 2017, cité dans Moselle Infos, 48, mai-juin 2017, p. 14.

[33] Les histoires signées « P.F.C. Jack Kirby » ont été publiées dans Foxhole (Mainline puis Charlton, 1954-1955), comme « The Face » (n3) et « Lucky Stiff » (n5), toutes deux scénarisées par J. Kirby et dessinées par J. Albistur. La première histoire porte cependant sur l’aviation américaine de la Seconde Guerre mondiale, la seconde sur la guerre de Corée.

[34] « Even Steven ! » (Foxhole n6, Charlton, septembre 1956), un récit de quatre pages, scénarisé et dessiné par J. Kirby, se passant dans la « France déchirée par la guerre de 1944 », laisse voir sur un mur un panneau de signalisation indiquant Metz. L’histoire est cependant racontée du point de vue d’un prisonnier allemand.

[35] L’attribution des œuvres est particulièrement incertaine pour les scénarios, les scénaristes n’étant pas systématiquement crédités dans les comics d’avant les années 1960.

[36] Le recueil d’entretiens The Comics Journal Library : Jack Kirby (Fantagraphics, 1999) reproduit une sélection de dessins privés de J. Kirby. La biographie française de J. Depelley (2013 : 65-87) en reprend également une partie.

[37] Derrière chaque silhouette de super-héros du visuel Cabanes 2017, un ensemble de points jaunes produit un effet dynamique. Pour les connaisseurs de J. Kirby, ces nuages de points peuvent évoquer un de registres visuels qu’il utilise pour représenter des crépitements d’énergie – surnommé « Kirby Krackles » par les fans (Hatfield, 2012 : 69). Hommage volontaire ou coïncidence, il s’agit là de toute façon d’un élément visuel discret qui ne modifie pas le caractère générique évoqué.

[38] Des dessins privés réalisés par J. Kirby pendant la Seconde Guerre mondiale apparaissent dans les deux dossiers de presse, sur la stèle commémorative.

[39] Quelques extraits des bandes dessinées J. Kirby apparaissent dans les deux dossiers de presse, sur la stèle commémorative, dans Moselle Infos, 45.

[40] Les premiers dessins animés Marvel, sous l’intitulé The Marvel Super Heroes, en 1966, utilisaient très directement les dessins des comics qu’ils adaptaient et donc, entre autres, les dessins de J. Kirby.

[41] Pour un aperçu général de la production audiovisuelle tirée des comics Marvel, voir M. J. McEniry, R. M. Peaslee, R. G. Weiner (2016). Pour une analyse du succès de ces films, voir le travail de N. Labarre (2017).

[42] De manière anecdotique, mais significative, on peut remarquer que les masques distribués aux enfants pour l’inauguration de la stèle Kirby correspondent à une représentation graphique standardisée pour les produits dérivés des personnages (vêtements, objets) plutôt qu’aux dessins de J. Kirby lui-même. Ce type de décalage est assez fréquent ; pour les 75 ans du personnage de Captain America, une statue a été installée à Brooklyn, quartier dont ce héros est censé être originaire. La statue reprend les traits de la version cinématographique récente et non celle de son incarnation d’origine dans les comics. Voir G. Johnston, A. Couch (2016).

[43] Nous citons ici la première phrase de l’édito, signé de Patric Weiten, Président du Conseil départemental de Moselle, dans la brochure de présentation du festival.

[44] Sur le projet de publication d’un album sur les batailles de Moselle, outre les dossiers de presse, voir l’interview d’O. Weinberg dans Moselle Infos, 48, mai-juin 2017, p. 14.

[45] L’éditeur Urban Comics a entamé depuis 2012 une politique de (re)publication française des grandes œuvres de J. Kirby publiées par DC Comics : Kamandi (2013-2014), OMAC (2014), Le Quatrième Monde (2015-2017). La parution des Losers était prévue pour 2018 et a été avancée pour l’opération Cabanes 2017.

[46] La dimension mythologique des récirs de J. Kirby est un aspect régulièrement souligné par la critique (Hirtz, Morgan, 2009 ; Hatfield, 2012 ; Nikolavitch, 2015).

[47] Dans notre corpus, nous n’avons trouvé que trois références directes à ces aspects. Les documents préparatoires (mis en ligne par la compagnie du Bredin, créatrice du spectacle) d’Intermonde, l’un des spectacles de l’année, portent un regard assez minorant sur le travail de J. Kirby. La première version du dossier d’intention (non datée, consultée le 11 novembre 2016) considère que « la naïveté du dessin, la fragilité de l’histoire, les codes et les messages grossièrement énoncés rendent l’accès aux histoires faciles, chaque épisode est une petite histoire » (p. 6). La seconde version (non datée, consultée le 12 juin 2017) propose des formulations un peu plus nuancées : « les super-héros de Jack Kirby (nom d’artiste de Jacob Kurzberg) combattent des heures durant à grands coups de “Paf !”, “Blow !”, “Urgh” et reviennent vainqueurs et les dents intactes. […] Je retiens les résidus : Ces fabuleux tomes du Quatrième Monde dessinés et écrits par Jack Kirby ainsi que ses interviews » (p. 6). Dans Moselle infos (48, p. 14), O. Weinberg a un discours plus valorisant : « L’expérience de Jack Kirby en Moselle a forgé son style. […] Jack Kirby a véritablement révolutionné les comics. Chacune de ses pages dégage une énergie folle ».

[48] L’expression est utilisée dans l’une des vidéos diffusées par le Conseil départemental sur son compte Facebook (16 mai 2017). On y voit O. Weinberg faire des repérages sur les lieux de la bataille de Dornot-Corny. O. Weinberg a aussi réalisé, dans son style, quelques planches d’hommage à J. Kirby, présentées dans l’exposition Les Héros oubliés.

[49] Nos descriptions des événements du festival s’appuient sur les éléments présentés dans les différents supports de communication de notre corpus.

[50] La description de l’orchestre est tirée du second dossier de presse (daté du 31 mars 2017), p. 18.

[51] Nous reprenons des termes tirés de la présentation de la journée départementale de la mémoire mosellane dans Moselle Infos, 45, nov.-déc. 2016, p. 9.

[52] Nous citons le descriptif du spectacle Blast sur le site kirbysuper-heros.fr, consulté le 15/05/2017.

[53] Voir note 51.

[54] Voir note 52.

[55] Ibid.

[56] Nous citons le descriptif de Je ne suis pas un héros… quoi que… dans le second dossier de presse (daté du 31 mars 2017).

[57] On peut citer quelques exemples de l’offre allant au-delà des thématiques centrales de Cabanes 2017 : le spectacle de danse Le Problème sans nom traite du fait d’être mère, l’installation Jungle Space in America restitue des paysages oniriques, le spectacle de La Tortue de Gauguin mêle peinture, musique et références à… H. P. Lovecraft. Et nombreux sont les concerts et spectacles de danse, de musique et de théâtre amateur sans accroche thématique particulière, non listés dans le dossier de presse mais recensés sur le site du festival.

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