Philippe Alexandre

Philippe Alexandre
Centre d’études germaniques interculturelles de Lorraine
Université de Lorraine
F-54000
philippe.alexandre[at]univ-lorraine.fr

Lorraine mythique et lorraine du terroir chez Maurice Barrès, les écrivains régionalistes et Maurice Pottecher (1889-1939)


La Lorraine, celle qui, de 1982 à 2015, a constitué une région administrative, est une entité complexe, la résultante d’une évolution historique et le fait d’une construction mentale à laquelle les écrivains ont, chacun à sa manière, participé depuis le milieu du XIXe siècle. Dans les années 1900, s’est affirmé un mouvement néo-lotharingiste s’appuyant sur des académies, l’université de Nancy, des associations, la presse, et qui allait s’amplifier et perdurer. Des circonstances historiques : l’annexion par l’Allemagne d’une partie de la Lorraine en 1871, la situation de ces territoires sur une ligne de fracture entre la France et l’Allemagne, la guerre de 1914-1918 et ses conséquences dans l’Est de la France ont donné à ce lotharingisme une orientation particulière, dans laquelle réside une de ses spécificités par rapport à d’autres mouvements régionalistes.

Le climat et la dynamique dans lesquels s’est, peu à peu, élaborée l’identité de la Lorraine le montrent bien, pour exister une entité a besoin d’un mythe, d’un récit fondateur qui crée un sentiment d’appartenance commune, donne un sens à la vie de la communauté imaginée, en l’occurrence au « peuple » ou à la « race » lorraine, pour annoncer des termes que nous allons rencontrer dans les pages qui suivent. Une entité ne peut vivre sans pouvoir revendiquer une « âme », un ou des « caractères », qui sont censés être l’émanation de la « terre », du « sol » ou encore du « terroir »[1]. Cet imaginaire a été dans une large mesure nourri par la littérature régionaliste. Le cas de la Lorraine en est une illustration. Mais force est de constater que cette littérature régionaliste s’est déclinée de manière différente selon l’idéologie des auteurs et leurs conceptions esthétiques. L’étude qui suit se propose de montrer tout ce qui, de ce double point de vue, différencie Maurice Barrès, les écrivains lorrains du terroir et Maurice Pottecher, fondateur du Théâtre du Peuple de Bussang.

Maurice Barrès : la Lorraine de l’égotiste et du nationaliste, ou le roman d’une idée

Ce que Maurice Barrès appelait sa « pensée lorraine » fut à la fois l’aboutissement d’une quête personnelle et l’articulation entre deux périodes de sa vie, celle du culte du Moi individuel et anarchiste et celle du culte du Moi collectif et nationaliste. Le corollaire de cette évolution fut l’engagement politique qui l’amena, aux élections législatives de 1889, à poser sa candidature à Nancy, sous l’étiquette boulangiste. Il fut élu. C’est au moment où il allait devenir l’un des inspirateurs du nationalisme français qu’il commença à construisre sa Lorraine mythique.

En 1901, Maurice Barrès notait dans ses Cahiers que pendant longtemps il n’avait pas aimé la Lorraine, qu’il la considérait comme un exil (Barrès, 1968 : XIII, 312) ; pourtant, dès 1889, dans le chapitre « En Lorraine » (pp. 125-169) d’Un Homme libre, il avait commencé à élaborer sa légende lorraine. Dans une « rêverie », il reconstituait « le développement de la race qui nous a laissé son esprit » (Barrès, 1889 : 125-126). Son récit s’organise en cinq journées, correspondant à chacune des périodes qu’il distingue dans l’histoire de la Lorraine : la « naissance », l’« enfance », le « développement », l’« agonie » et la « mort » de la Lorraine (ibid. : 127-157). L’évocation de chacune de ces périodes a pour point de départ un ou plusieurs lieux emblématiques « où cette race naquit, se constituant patrie dans un effort contre l’étranger ». Le duc René II apparaît comme le héros fondateur, dont la figure s’oppose à celle du Téméraire, battu et tué par lui entre Saint-Nicolas-de-Port et Nancy ; avec René II, une race a pris conscience d’elle-même. De l’église des Cordeliers de Nancy, « le reliquaire des gloires de Lorraine », il fait un « sanctuaire national ». Dans cette « légende lorraine » apparaissent d’autres héros, Jeanne d’Arc, le général Drouot, qui présentent une caractéristique commune : l’amour qu’ils ont manifesté envers leur peuple. Dans la « ville vieille » de Nancy, Maurice Barrès cherche les « origines de nos âmes », mais n’en trouve que peu d’éléments. Il va à Scarpone, où, dit-il, « quelque chose de nous autres Lorrains vivait déjà à ces époques lointaines », puis à Savonne, Vendières…

À partir de son affirmation de l’existence de la « race lorraine » Maurice Barrès expose ici sa doctrine du Moi collectif, qui n’existe, écrit-il, qu’à partir du moment où il a « conscience de soi » (ibid. : 137-138). C’est pourquoi sa visite au Musée lorrain, dans la Ville-Vieille de Nancy, l’a attristé ; si elle a éveillé sa sensibilité, elle lui a aussi révélé l’insuffisance de l’âme de la race : les artistes lorrains sont autrefois partis pour l’Italie, la Lorraine n’avait pas de riche bourgeoisie pour s’enorgueillir d’un art local ; quant à la noblesse, elle se tournait vers des étrangers plus puissants, et, honteuse de se sentir provinciale, elle adoptait la mode de Paris. Pourtant, Ligier Richier, Jacques Callot, Grandville, Jean Lamour le montrent, un « art particulier » aurait pu se développer en Lorraine, dont l’agonie a commencé avec le règne de Charles IV ; puis les ducs ont quitté le pays, le château de Lunéville et le règne de Stanislas ont « humilié » la Lorraine et provoqué ainsi sa mort.

La Lorraine n’avait pas su affirmer sa personnalité, elle avait succombé aux influences de Paris. Il y avait donc dans cette légende lorraine une opposition entre une « conscience lorraine » et une « conscience française », habilement amenée par son auteur. Maurice Barrès expliquait en effet que la France a englobé la Lorraine, mais que celle-ci lui a beaucoup donné. L’« avortement de l’âme lorraine » n’a pas empêché une renaissance de la Lorraine (ibid. : 154), qui, en se fondant dans la France, l’a enrichie. Cette pirouette permettait non seulement de lever l’opposition, mais en même temps de créer entre les deux consciences française et lorraine une articulation qui, à son tour, devait permettre de définir la mission française de la Lorraine.

Ce chapitre d’Un Homme libre posait les bases de la « pensée lorraine » de Maurice Barrès, on y voyait son nationalisme prendre forme. Il réutilisait en effet ici la notion de « barbare », les barbares étant ceux qui, tout au long de l’histoire, ont cherché à étouffer le Moi lorrain : le Téméraire vaincu par René II ; les « Allemands », qui s’étaient installés dans les « vides » laissés dans la masse de la population lorraine décimée par les guerres. Ces derniers, affirmait Maurice Barrès, ont constitué un apport de « domestiques et d’hommes de bas métier » qui ont « épaissi » « la verve naturelle de [s]a race, de cette noble race qui, en 1523, à Saverne, repoussait le protestantisme » grâce à l’« admirable résistance du duc Antoine » (ibid.). Ainsi se mettait en place, dans une œuvre littéraire, tout un vocabulaire propre à l’idéologie nationaliste, les termes « race », « barbare » et « résistance » formant la trilogie lexicale de cette idéologie. Les Lorrains apparaissaient, sous la plume de Maurice Barrès, comme une « nation » de combattants, qui « a augmenté l’humanité d’un idéal assez neuf », celui du « devoir militaire », qui est « une des formes du désintéressement » (ibid. : 157).

Cette Lorraine mythique a non seulement ses héros, mais aussi ses divinités protectrices : Notre-Dame de Sion et Jeanne d’Arc (Alexandre, 2015), ses lieux sacrés, chargés de symboles, ses sites et ses paysages sur lesquels se cristallise la conscience de la nation lorraine : Sion-Vaudémont, centre de pèlerinage très ancien, Chamagne, village natal du peintre Claude Gellée (Barrès, 1926), Domremy, berceau de Jeanne d’Arc, la Mothe, symbole de résistance héroïque (Marot, 1973). Nous les retrouverons, entre autres, dans L’Appel au soldat (Barrès, 1900), « Le 2 novembre en Lorraine » (Barrès, 1902 : 273-291) et Les Amitiés françaises (Barrès, 1903).

La Lorraine barrésienne se caractérise aussi par le fait qu’elle a une géométrie évolutive. Dans Un Homme libre (1889), il n’était encore question que du duché de Lorraine, et même que du « cœur » du duché, c’est-à-dire de la région de Vézelise et de Sion-Vaudémont (Barrès, 1900 : 302). Dans L’Appel au soldat (1900), elle était devenue la « Mosellane », qui englobait le « pays messin », « l’esclave Elsass-Lothringen » ainsi que l’« archevêché de Trèves », « antique pays romain, que l’influence française a si longtemps disputé à l’Allemagne » (ibid. : 287). Dans ce roman, deux jeunes partisans de Boulanger, Sturel et Saint-Phlin, descendent le cours de la Moselle pour mener une « enquête » dont les résultats doivent être envoyés au général. Une des thèses défendues ici est que la « Lorraine mosellane » n’a jamais pu « vivre sa vie organique », ayant toujours été « disputée entre la France et l’Allemagne ». Trahi par ses princes, le vieux duché a été livré au centralisme de Paris, au « parisianisme » ; la tâche de Boulanger sera de « restituer au vieux duché la force d’apporter dans l’illumination française sa lumière particulière » ; Saint-Phlin attend de la Lorraine « qu’un jour elle vivifie la France lassée » (ibid. : 292-299).

Comme dans Un Homme libre, la « terre » joue dans L’Appel au soldat un rôle primordial. Dans le chapitre « La vallée de la Moselle » (Barrès, 1900 : 284-396), nous voyons les deux jeunes gens s’efforcer de « faire parler la terre et les morts », en sollicitant leur « imagination », de « prendre une leçon des faits », d’« atteindre les qualités locales », en s’abandonnant à la pente d’une « rêverie très avertie de la succession des événements ». La méthode consiste à « replacer mentalement les individus et les choses dans le milieu historique auxquels ils survivent. » L’étape de Metz constitue l’acmé du voyage de Sturel et Saint-Phlin. Maurice Barrès personnifie la ville martyre ; être en présence de cette « Iphigénie de France » les enivre « d’une poésie qu’ils n’auraient pu lui exprimer que les deux genoux à terre et lui baisant la main » (ibid. : 321-323). La statue du maréchal Ney, qui « met une épée à la main » à tout Français qui passe, appelle manifestement à la guerre de revanche contre l’Allemagne. Posant dans ces pages la question de la rive gauche du Rhin, Maurice Barrès affirme que toute la « Basse-Moselle » appartient à l’Austrasie. N’étant toutefois pas en mesure de proposer des arguments satisfaisants pour justifier une intégration de la Basse-Moselle à la France, il s’en remet à ce qu’il appelle le « mystère » qu’il faut laisser « aux racines de l’idée de patrie ». Il ne peut en effet s’appuyer que sur une analogie, c’est-à-dire sur la manière dont les « destinées lorraines » ont été associées à celles de la France. Un moyen serait, selon lui, de « ressusciter la vieille nationalité austrasienne » (ibid. : 359). Il renvoie, pour légitimer cette idée, à la « permanence des éléments », à l’attachement au catholicisme de la région de Trèves. Mais tout cela reste très flou. Finalement, c’est dans une poétisation du projet imaginé par lui qu’il se réfugie pour donner une crédibilité à son « hypothèse » austrasienne (ibid. : 363).

Sturel et Saint-Phlin tirent-ils des « conséquences pratiques » de leur enquête ? Leur crainte est que Metz et la vallée de la Moselle soient à jamais devenues allemandes. La France, se trouvant « dans une des périodes les plus critiques de son histoire », sera-t-elle en mesure d’empêcher cela ? Boulanger n’a pas su utiliser l’affaire Schnaebelé pour reconquérir Metz et Strasbourg (ibid. : 393). On voit bien ici comment l’écrivain Barrès convertit des rêveries en projet politique : il s’agit, selon lui, de créer « comme une haie austrasienne contre le vent de Prusse si dangereux à nos plantes françaises », de soutenir le patriotisme français en vivifiant le « provincialisme », c’est-à-dire de « cultiver sur notre sol lorrain les espèces locales, parce qu’elles résistent mieux à l’envahissement des graines d’outre-Rhin » (ibid. : 394).

Mais la Lorraine mythique de Maurice Barrès n’a pas seulement une dimension politique, elle est restée intimement liée à son évolution personnelle et intime. Dans Le 2 novembre en Lorraine, il exposait sa doctrine du Culte de la terre et des morts (Barrès, 1902 : 274). L’idée de la communion avec les aïeux a eu chez lui plusieurs origines. Elle était un héritage du « déterminisme » philosophique de Taine ; après le décès de ses parents, qui l’affecta jusqu’à la quasi dépression, elle lui apporta sans doute une certaine consolation, mais le mystique amateur de mystère y trouva aussi une jouissance, en même temps que la certitude de l’immortalité (ibid. : 278).

Son culte pour sa Lorraine, Maurice Barrès a cherché à le communiquer (d’Avril, 1904 : 17), car, sans le partage, il lui aurait assurément apporté moins de jouissance. Ainsi, en 1902, il publiait Les Amitiés françaises, qui s’adressaient à ses « compatriotes » lorrains. Se mettant lui-même en scène avec son fils Philippe, il faisait découvrir à celui-ci, à l’occasion de pèlerinages successifs, des lieux choisis de la région, sollicitant son « émotivité » et son « imagination ». En initiant le jeune garçon à la Lorraine, il formait en lui un petit Français. Il voulait lui transmettre ce que lui-même avait expérimenté. La méthode restait la même depuis Un Homme libre : à partir de « points sensibles », qui chacun renvoyaient à des moments du récit qu’il avait élaboré, il s’agissait de ressentir tantôt « le mystère des influences qui préparent le génie », comme à Chamagne, berceau du peintre Claude Gellée, ou dans le village d’où est sortie la famille de Victor Hugo, tantôt la « mélancolie du royaume austrasien », comme à l’abbaye de Belval (Tharaud, 1928 : 48).

Ces lieux choisis ont été des points d’appui de son engagement nationaliste, comme Domremy, matrice de forces bienfaisantes ; comme dans La Colline inspirée (Barrès, 1913), ils ont aussi nourri son œuvre littéraire. De la colline de Sion, où l’on voit les frères Baillard, tentés par un culte démoniaque, se révolter contre l’autorité ecclésiastique avant de rentrer dans le rang, Maurice Barrès fait la matrice de forces obscures et maléfiques. L’intention du romantique n’était pas de faire œuvre d’historien, de réécrire l’histoire, mais de vivre à travers sa Lorraine une sorte d’expérience mystique en s’efforçant de réveiller en lui les « forces profondes » qui avaient agi sur l’âme de personnages qui le fascinaient, de donner une forme plastique à un sentiment du sacré ou à un sentiment religieux qui l’habitait. Ainsi avait-il, sur un rayon d’une centaine de kilomètres, sur sa « carte idéale » de Lorraine, un certain nombre de promenoirs qui étaient autant de « centres d’émotions » dont chacun exerçait sur lui une « force inspiratrice » (Tharaud, 1928 : 55-57).

C’est cette « pensée lorraine » que Maurice Barrès a cherché à transmettre dans de nombreuses préfaces. Dans celle écrite pour le premier numéro de la revue Les Marches de l’Est, en 1909, au moment où il allait publier Colette Baudoche (Barrès, 1908-1909), il notait qu’à travers Colette, allégorie de la Lorraine, il exprimait son amour pour « les petites Lorraines de la ville et du duché, éparses sur les siècles ». Et il ajoutait : « Si la jeune fille de Metz prend sa place dans le cortège des filles romanesques de la rive gauche du Rhin, […] j’aurai servi la cause pour laquelle vous sonnez le rassemblement. » Il s’agissait « de réveiller, de dégager, bref de créer la conscience littéraire de ces puissants territoires » qu’étaient l’Alsace et la Lorraine, le Luxembourg, les Ardennes, les vallées de la Moselle et de la Meuse, et puis la Flandre wallonne, « qui, depuis Charlemagne, sans cesser de rêver en commun, se sont interrompus d’accorder leurs voix ». Ces terres de l’« Austrasie », peuplées de Celtes et de Germains et formant « un bloc résistant », ont en commun d’aimer la culture française et d’avoir résisté de tous temps aux « infiltrations germaniques », au « germanisme », de résister encore à l’« immense effort fait depuis trente-huit ans pour germaniser la rive gauche du Rhin » (Barrès, 1909b).

En 1918, l’obsession de la frontière et de la menace restait la même, malgré la victoire. Les horreurs que l’on vient de vivre, écrivait-il dans la préface à La Lorraine dévastée, « ne sont qu’un formidable épisode du drame éternel qui se joue sur le Rhin, un moment dans une guerre dont l’origine appartient à la préhistoire », et convaincu que les Allemands ne tarderont pas à préparer une guerre de revanche. Il lançait donc ce mot d’ordre : « Il s’agit de poursuivre plus avant le grand dessein national et de nous doter d’une frontière à l’Est » (Barrès, 1919 : I-II). En 1921, dans la préface au premier numéro de la revue L’Austrasie renaissante, il reprenait le thème de « La vallée de la Moselle » : il voyait dans l’influence française sur la rive gauche du Rhin un gage de paix (Barrès, 1921 : 5-6).

La Lorraine mythique de Maurice Barrès, qui fut d’abord l’invention d’un écrivain, a été en quelque sorte convertie en idée politique et mise au service de son nationalisme ; mais des variations romantiques qu’il a magistralement tirées du thème lorrain ne ressort qu’une idée quasi obsessionnelle ainsi résumée par lui : « Pour nous Lorrains, la véritable unité franco-lorraine est faite de la défense de nos frontières par la France » (Barrès, 1968 : XIV, 165). Et n’écrit-il pas, en 1908, au rédacteur en chef du Matin : « En politique, je n’ai jamais tenu profondément qu’à une seule idée, la reprise de Metz et de Strasbourg. Tout le reste, je le subordonne à ce but principal. Pour juger tout événement, pour apprécier chaque projet législatif, je me demande : “Nous fera-t-il plus fort ? Orientera-t-il nos pensées vers les frontières du Rhin ?” » (Barrès, 1908 : 8). De même, après la déclaration de la guerre en 1914, il notait dans ses Cahiers, à propos de l’« esprit germanique » : « Je ne sais pas s’il est légitime et commode de chercher dans les fragments qui nous restent du passé l’explication des choses présentes, mais je crois de toute certitude que la méditation de ce que nous voyons aujourd’hui nous éclaire les vingt-deux invasions que subirent nos pères. Moi qui ai vécu en 1870 […], j’ai toujours tenu pour de sombres imbéciles les gens qui disent que le peuple allemand ne voulait pas la guerre » (Barrès, 1968 : 285).

Maurice Barrès a entretenu avec sa Lorraine une relation complexe qu’Albert Thibaudet résumait en ces termes : « S’il a créé la Lorraine, c’est en se reconnaissant créé par elle, et qui fera la part des choses dans ce modelage réciproque ? » (Thibaudet, 1921 : 109). Les frères Tharaud (1928 : 46-47) ont dit qu’il leur avait souvent répété : « J’ai créé la Lorraine comme d’autres ont créé la République ». En considérant la vie du Lorrain de Paris, on est tenté de donner raison à Yves Chiron (1987 : 15) qui a écrit : « [Barrès] a mis entre sa Lorraine natale et sa vie la distance d’une carrière réussie à Paris et d’une activité publique ». L’écrivain lui-même a noté dans ses Cahiers, avec un certain détachement, à propos de la Lorraine : « Je ne sais si je l’aime, entrée en moi par la souffrance, elle est devenue un de mes moyens de développement » (iIbid. : 16). Maurice Barrès savait, certes, ses « amitiés » lorraines, mais quelles relations a-t-il entretenu avec le peuple lorrain ? Force est de constater que dans les centaines de pages qu’il a consacrées aux paysages de la Lorraine, l’homme lorrain reste absent ; dans les villages lorrains, il s’attardait davantage aux maisons, aux champs, aux éléments naturels. Certes, la sensibilité de Maurice Barrès à la terre semble réelle, mais il a toujours gardé une distance avec les hommes (ibid. : 20). Quand il était à Charmes, il évitait, à en croire les frères Tharaud (1928 : 46), tout contact avec la population locale, se montrant finalement « aussi étranger à la vie campagnarde qu’à la vie parisienne ». Sa Lorraine mythique, il l’a construite à partir d’éléments de l’histoire et des paysages, et ce faisant, il a « écrémé ce qu’une terre comporte d’intéressant et d’émouvant » (Thibaudet, 1921 : 108). D’où son attitude vis-à-vis du régionalisme, que les frères Tharaud caractérisent ainsi : « Cette construction lorraine […] n’avait que peu de chose à voir avec le pittoresque local, qui est la grande ressource des écrivains régionalistes. La littérature qui s’efforce de représenter les particularités provinciales n’offrait pour lui aucun attrait. Il trouvait au régionalisme je ne sais quoi de vulgaire qui l’a toujours rebuté » (Tharaud, 1928 : 46-47). C’est là toute la différence avec les écrivains du terroir.

La Lorraine des écrivains du terroir : entre réalisme et naturalisme

Des auteurs lorrains comme André Theuriet, Émile Moselly, Émile Badel, Fernand Rousselot, Pol Ramber et d’autres, ont dépeint une Lorraine bien différente de celle de Maurice Barrès, en utilisant des genres et des formes littéraires rejetés par ce dernier. Ils ont aussi entretenu une relation de proximité avec la campagne et la petite ville, dont ils étaient souvent issus.

Nous avons affaire ici à des conceptions différentes du régionalisme qui ont été à l’origine d’une polémique du Maître parisien contre les « écrivains du terroir » (Rousselot, 1936 : 4, 6). En recevant Jean Richepin à l’Académie française, le 18 février 1909, Maurice Barrès (1909a, NP) ironisa, dans son discours, à propos des adeptes de l’« ethnologie », soucieux de maintenir les traditions populaires : « La province, chaque province de France, proclamait-il, c’est une façon spéciale de sentir, c’est un lien avec le passé, un principe de solidarité morale ». Il disait ne pas méconnaître ce qu’il peut y avoir de « sain dans le familier et le populaire », dans « tout ce que la Lorraine a perdu d’indigène, de spontané, […] de naïf », mais il regrettait de ne jamais voir les « soi-disant lotharingistes populaires », « rechercher le grand, la clarté, le sérieux ». Il ne trouvait chez eux ni « élévation de sentiments », ni « fierté d’âme ». Pour lui, il y avait qu’une manière d’observer et de sentir la Lorraine : il fallait faire « entrer dans le lotharingisme tout un ordre d’idées et de faits que jusqu’alors nos “populairesˮ n’avaient pas l’ambition de recueillir » (Marot, 1973 : 142). Émile Badel (1908 : 1), de son côté, défendait la thèse qu’un déraciné ne peut guère célébrer comme il convient la terre ancestrale : « Pour chanter la terre lorraine et la magnifier comme Mistral a exalté sa Provence, il faudrait un Barrès ou un Moselly, un Hinzelin ou un Réval habitant notre pays et s’identifiant entièrement avec nos coutumes, nos mœurs, nos traditions, notre histoire locale vécue sur place, avec nos paysans, nos usages religieux et autres, que sais-je ? ».

L’attitude hautaine de Maurice Barrès vis-à-vis des « populaires » était injustifiée. Comme lui, ils aimaient se rendre sur les sites sacrés de la Lorraine. La presse régionale en témoigne. Émile Badel, par exemple, a fait vivre, à sa manière, sa Lorraine mythique, en faisant des conférences historiques et patriotiques, en exaltant les héros et les artistes lorrains, en contribuant à l’édification du Panthéon lorrain (Est Républicain, 1911b : 2). En 1936, Fernand Rousselot (1936 : 4, 6) rendait cet hommage au « barde de la Lorraine » : « Il était de ceux qui ne se déracinent pas, exaltant le passé glorieux de la Lorraine par la plume, par la parole, par des initiatives patriotiques sans cesse renouvelées ». On ne saurait en aucune façon dénier à Fernand Rousselot, à Pol Ramber ou à d’autres leur patriotisme lorrain et français.

Quelles différences s’imposent si l’on compare Maurice Barrès et ces auteurs ? Le paysage occupe dans leurs œuvres une place importante, mais, chez ces derniers, il n’est pas l’expression de mystères, car ce qu’ils cherchaient à restituer, c’est le pittoresque, avec un souci de réalisme. Un critique disait du Meusien André Theuriet : « Il est imprégné […] des bois silencieux et tristes, des champs et des vallons joyeux, des gens, des préjugés et des coutumes ; quand, au hasard, nous lisons son œuvre, il nous semble ouïr, en ses dialogues, la langue naïve et lente de nos bons paysans de Lorraine, tandis que la magie de ses descriptions monte et paraît nous envelopper des senteurs familières à notre patrie » (Merlin, 1905 : 233). Ce qui signifie que chez un écrivain comme André Theuriet (2000 : 134-136), l’homme est indissociable du paysage ; il est un élément de son âme.

Émile Badel était lui aussi apprécié pour ses descriptions (Est Républicain, 1898b : 3). « À travers la Lorraine » (Est Républicain, 1899) caractérise fort bien l’esthétique de l’écrivain du terroir. Alors que Maurice Barrès choisissait des lieux précis qui, disait-il, stimulaient son imagination, Émile Badel ne négligeait « aucun recoin de la terre où dorment nos aïeux. […] Tour à tour poète, archéologue, historien, il excell[ait] à découvrir sous les aspects riants de la nature les vestiges qui rattachent le présent au passé » (ibid. : 3). Tantôt promeneur, tantôt érudit, il ne cherchait pas seulement, comme Maurice Barrès, à « faire partager l’émotion » que lui inspiraient les sites et les paysages qu’il visitait ; il faisait aussi œuvre d’ethnographe (ibid.). Si Maurice Barrès n’avait, à en croire les frères Tharaud (1928 : 50), aucune expérience directe de la population paysanne, dont les dehors le rebutaient, les régionalistes du cru s’intéressaient, au contraire, aux « gens de chez nous » (Briey, 1922). Chez Émile Badel s’expriment un « amour de la terre natale », un « patriotisme intime du berceau », une « affection filiale » (Est Républicain, 1894a : 2).

Les « populaires » ont utilisé des genres et des formes littéraires très diverses. Leur théâtre n’avait d’autre ambition que celle de restituer, pour le plaisir des « amateurs de folklore lorrain », des « scènes prises sur le vif ». Ainsi, Émile Badel dans La Noce de not’ Ugène (L. F., 1899 : 3), auquel sa science du pittoresque valut un succès durable (Est Républicain, 1907 : 3). Dans Couarails de paix et de guerre, Nos gens, Du sel de nos salines ou À l’ombre du mirabellier, Fernand Rousselot a lui aussi décrit, avec un souci de réalisme, des « tranches de vie lorraine » (Urbain, 1934 : 3). En fin psychologue, il pénétrait les âmes des individus, pour laisser s’exprimer leurs sentiments profonds. Fernand Rousselot « disparaît derrière ses personnages », alors que le Moi de Maurice Barrès est omniprésent. N’écrit-il pas dans la préface de Pour toi, mon homme ! (1939) : « Quand je m’asseois à ma table de travail pour écrire des choses gaies ou mélancoliques, c’est toujours à toi que je pense, homme de mon pays, mon frère lorrain, mon homme » (Le Pays Lorrain, 1988 : 57) Ayant été élevés parmi les paysans lorrains, les écrivains du terroir ont su garder avec « nos gens » une intimité qu’un Barrès, toujours distant, n’a manifestement jamais cherché à avoir.

Une autre particularité importante les distingue de Maurice Barrès : l’utilisation du patois. Il ne s’agit certes pas là d’un patois déterminé, mais plutôt d’une création littéraire. Fernand Rousselot, Pol Ramber et bien d’autres ont puisé dans un vieux fonds traditionnel, ils ont emprunté au village des d’expressions imagées, des comparaisons pittoresques, des proverbes anciens. Le Spinalien René Perrout, quant à lui, utilisait des archaïsmes (Krantz, 1904 : 51). Fernand Rousselot était conscient des faiblesses de ce langage lorrain ; aussi ne retenait-il que ce qui était compréhensible par le plus grand nombre pour créer du pittoresque. Charles Sadoul, le directeur de la revue Le Pays lorrain rendait un jour cet hommage au « barde du terroir lorrain » : « Vous avez su montrer […] que ce patois dédaigné était la “vie mêmeˮ et non pas comme l’avait cru un moment notre grand Barrès, ce jour-là mal informé, “une curiosité pittoresque, un bibelotˮ, mais bien “une façon spéciale de sentir un lien avec le passé et un véritable principe de solidaritéˮ » (Est Républicain, 1926 : 2).

Quant à Émile Moselly alias Émile Chenin, un déraciné qui était professeur au lycée d’Orléans, il reçut en 1907 le prix Goncourt pour Terres lorraines (1907a) et Le Rouet d’Ivoire (1907b). Des critiques lorrains ont revendiqué cet « écrivain rustique » comme « un fils de notre terroir » (Est Républicain, 1913a : 1). On ne peut sans doute pas le classer parmi les auteurs populaires, mais il est sans conteste un écrivain du terroir. Ses romans offrent une image plus tragique de la Lorraine. Dans Terres lorraines (Moselly, 1907), Marthe, l’héroïne, incarne, dit René Perrout, la « fidélité de sa race », « la résignation des paysans lorrains ». Ses tableaux traduisent « la poésie des traditions et des légendes, le merveilleux des humbles : les soirées près de l’âtre où l’on dâille, le montreur de Saint-Hubert, la procession de la Fête-Dieu. […] De toutes ses pages monte un parfum de terroir. Je mesure tout le sens de ce que je vais dire : le roman d’Émile Moselly nous fait voir la terre lorraine, comme le poème magnifique de notre grand Mistral [Mireille] évoque le pays de Provence » (Perrout, 1907 : 146). Le personnage de Pierre Noël, qui trahit Marthe, sa fiancée, pour une batelière flamande, est, quant à lui, un « déraciné » ; l’attirance pour l’aventure lui a fait perdre le bonheur qu’il était appelé à connaître. Le roman Joson Meunier (Moselly, 1910) raconte l’histoire d’un père qui veut faire le bonheur de son fils, mais qui est payé d’ingratitude. Un critique exprime ainsi ce qui fait le charme des romans d’Émile Moselly : « Les fraîches descriptions d’où exhalent les odeurs des jardins, de la forêt, les tableaux d’intérieurs rustiques alternent avec des scènes dramatiques, poignantes dans leur intensité » (Est Républicain, 1910b : 4). Cet auteur dépeint surtout des types : « des gens simples et pauvres, dont le destin est toujours rude et sombre » (Est Républicain, 1912 : 5). Sans doute Fernand Rousselot (1937 : 2) avait-il raison quand il qualifiait Émile Moselly d’écrivain « naturaliste ».

Plus tard, Henri Gaudel (1934) a offert, dans la même veine, des exemples du « drame villageois », des études de mœurs et des analyses de caractères, comme dans Le Grand Jules, drame de la jalousie qui finit par un suicide. Ici aussi alternent tableaux pittoresques et scènes dramatiques (Est Républicain, 1934 : 2). Quant au Vosgien Pol Ramber (1924), il a traité des thématiques différentes ; dans Ma Cousine de Saint-Benoît, par exemple, la question de l’exode rural provoqué dans le monde rural de l’entre-deux-guerres par la ville où la vie était plus facile qu’au village. C’est là une histoire « de chez nous » : « la Marie Brignon » fait des rêves pour ses enfants (Est Républicain, 1924b : 5).

Si Maurice Barrès a eu une audience nationale, les écrivains du terroir sont restés condamnés à ne trouver qu’un lectorat limité à leur région et aux « déracinés » vivant à Paris. Un critique notait fort justement à propos de l’œuvre de Fernand Rousselot : « Il faut avoir été élevé et avoir vécu dans le pays de la Meurthe, de la Vezouse, de la Seille et de la Mortagne pour en apprécier toutes les nuances et en comprendre les subtiles délicatesses » (Urbain, 1934 : 3).

Les ambiguïtés du Théâtre du Peuple de Bussang : le terroir entre idéal humanitaire et nationalisme

Le Théâtre de Bussang, créé en 1895, apporta une dimension nouvelle et originale à la Lorraine des écrivains. Une partie des pièces écrites pour lui par Maurice Pottecher étaient inspirées de l’histoire locale et régionale (Jeanclaude, 1960). Avec ce répertoire régionaliste, il s’assignait, avec modestie, une mission éducative ; il disait en effet de son théâtre : « C’est par l’étude des types locaux, des mœurs régionales, par cette fraîcheur que donne à toute œuvre le contact direct avec la terre natale, qu’il peut prétendre un jour s’imposer à l’attention des critiques chargés d’écrire l’histoire de l’art, après avoir diverti, touché et peut-être instruit le public auquel il est dédié » (Pottecher, 1995 : 19).

Si l’on peut dire de la scène bussenette qu’elle fut d’abord un théâtre du terroir, c’est pour ces raisons et bien d’autres. Campé au fond d’une vallée vosgienne, à la frontière de l’Alsace, ce théâtre de plein air avait « pour fond la pente de la montagne, avec ses étages de champs, de prairies et de bois », « pour décors le gazon même d’un pré, une ligne de sapins […], la façade d’une ferme copiée sur celles qui s’étagent çà et là aux flancs des collines vosgiennes » (Boulay, 1921 : 1). Par la suite, il eut un fond qui s’ouvrait sur ce décor naturel, ce qui permettait d’obtenir des effets impressionnants. Ce théâtre était aussi ancré dans un « milieu sociogéographique original » (Kribs-Dussaussois, 1987 : 11, 174). Les acteurs étaient des ouvriers, des employés, donc des gens du cru, l’auteur lui-même, des camarades, sa femme et des membres de la famille Pottecher (ibid. : 38). Les genres théâtraux proposés à Bussang, comme la farce ou le drame « rustique », ont permis de tirer parti, comme dans Le Sotré de Noël (1896), du chant et de la danse populaires. En ce sens, Maurice Pottecher offrait un spectacle total, réunissant en condensé toutes les particularités locales (acteurs, accents, patois, costumes, chants, danses). Si ses pièces étaient « imprégnées de la saveur du terroir » (Gaudel, 1932 : 9), c’était encore parce qu’il puisait également dans le fond des légendes locales. Le sotré, par exemple, est lutin farceur de la légende vosgienne. Dans cette pièce, chaque acte se développe dans l’atmosphère d’une fête qui a ses rites locaux particuliers : la fête des « brandons », la fête de Noël, la fête de Mai ou Trimazô. En 1932, le régionaliste lorrain Jean Ville-Albert (1932 : 9) applaudissait la reprise à Bussang de cette farce, qui faisait, disait-il « revivre les vieilles coutumes et les traditions locales ». Ce répertoire pottechérien constitue, en outre, un chapitre de l’histoire des mentalités dans la Lorraine des années 1900. Les personnages sont, en effet, pour la plupart des types, comme dans les comédies de Molière, qui caractérisent la société de cette époque. Dans Le Sotré de Noël, Rémy, le grand « sagard », est un artisan ouvert au progrès ; alors que Nonon Thiéry s’oppose au mariage de sa fille avec Rémy sous prétexte que celui-ci entend abandonner la tradition. Mais ces types, pour avoir une coloration locale, n’en sont pas moins représentatifs de la société rurale de l’époque.

Ces aspects sociaux et ethnographiques avaient un lien étroit avec le but que Maurice Pottecher cherchait à atteindre ; par un culte commun du terroir participant d’un travail d’« éducation », il s’agissait non seulement de réconcilier les classes sociales (Pottecher, 1995 : 17-18) dans un contexte de tensions sociales grandissantes, mais aussi de freiner une évolution qui, pensait-on, était synonyme de déclin. Un patriotisme nourri par le culte de la Lorraine pouvait, lui aussi, être mis au service de cette cause. Maurice Pottecher (1896 : 20) disait que son théâtre voulait être « original et national », que c’était là les principaux éléments du succès. C’est sans doute pourquoi la problématique lorraine est très présente dans les pièces régionalistes jouées à Bussang. Cette localité était, depuis 1871, un village frontière, situé sur cette « ligne bleue des Vosges » née du testament de Jules Ferry qui était proche de la famille Pottecher (Alexandre, 2014 : 22, 28). On y voyait les chasseurs à pied lors des manœuvres, mais aussi lors des représentations du Théâtre du Peuple. Bussang avait ainsi le sentiment d’être placée sur la ligne de fracture du drame historique franco-allemand, d’être « l’épicentre du traumatisme national » (Kribs-Dussaussois, 1987 : 55).

La Lorraine et l’Alsace, qui occupaient à cette époque une place importante dans l’imaginaire national et dans la vie politique française, sont présentes dans le répertoire de Maurice Pottecher ; par exemple à travers le thème de la frontière, qui se décline ici de diverses manières. Dans la pièce C’est le vent, deux communes s’opposent à propos d’une vieille statue appelée le « bonhomme », placée sur la frontière. La tête de cette statue est régulièrement tournée. C’est le mystère qui sous-tend toute l’intrigue. Qui peut être à l’origine de cette profanation ? Les gens du camp adverse, naturellement. Au moment où l’affrontement prend un tour dramatique, il s’avère toutefois que ce sont des contrebandiers qui utilisent la tête du « bonhomme » comme signe de reconnaissance (Pottecher, 1995 : 211-298). Le thème alsacien s’imposait comme naturellement dans ce répertoire local. Les contacts étaient permanents entre les deux versants de la montagne et beaucoup de signes rappelaient, à Bussang comme dans d’autres zones frontalières de la Lorraine, que la terre natale portait la cicatrice du conflit franco-allemand. On se souvient, enfin, que le cadre de deux pièces de Maurice Pottecher, Le Château de Hans ou Morteville, se situe dans les Vosges alsaciennes.

Maurice Pottecher avait eu un précepteur alsacien qui a sans doute contribué à entretenir chez lui le sentiment national (Kribs-Dussaussois, 1987 : 83). Cela explique sans doute le fait que, dans certaines de ses œuvres, le terroir se conjugue intimement à un patriotisme qui peut aller jusqu’à une certaine forme de nationalisme. Comme chez Maurice Barrès, c’est sur des héros et l’histoire de la Lorraine que, pour une bonne part, celui-ci se cristallise. Le répertoire de Bussang a, lui aussi, contribué à l’écriture d’un récit légendaire lorrain. Nous en proposerons ici comme exemples les deux drames historiques Liberté (Pottecher, 1898) et La Passion de Jeanne d’Arc (1904), pièces dans lesquelles se fait sentir l’influence de Jules Michelet. La Révolution de 1789 et Jeanne, la bonne lorraine, étaient deux thèmes qui constituaient d’une certaine manière des piliers de l’idéologie républicaine.

En quoi ces deux pièces mettent-elles le terroir au service d’une écriture mythique de l’histoire lorraine ? L’action de Liberté (Pottecher, 1898) se déroule au moment où, en 1792, la République vient d’être proclamée et où les armées de la Convention descendent vers le Rhin pour empêcher « les Autrichiens » d’envahir le sol national : les montagnes vosgiennes, frange orientale de la Lorraine, se trouvent exposées. Maurice Pottecher renvoie ici clairement au mythe des bataillons de volontaires vosgiens qui leur ont valu une mention au procès-verbal de l’assemblée nationale, le 7 août 1792. La pièce s’ouvre sur un prologue dans lequel un personnage allégorique féminin, la Liberté, s’adresse au public : « Je veux aujourd’hui vous faire entendre la grande voix qui, plus de cent ans déjà comptés, éveilla tout à coup l’univers. Quand le vent l’emporta vers ces gorges endormies, tous les échos la roulèrent, comme si le tonnerre les eût ébranlées. À son appel, saluant un soleil nouveau, vos pères se sont levés, joyeux de donner leur sang pour la délivrance de leur patrie et l’affranchissement du monde ! » (Pottecher, 1898 : II)

Cette pièce contenait une profession de foi républicaine et patriotique qu’il s’agissait d’affirmer et de transmettre à un public nombreux. Elle montre bien que, chez Maurice Pottecher, le patriotisme passait par l’attachement à la terre natale, la petite région (Kribs-Dussaussois, 1987 : 144). La Liberté déclare dans le prologue en s’adressant à « ceux qui l’entendent » : « [Ma voix] leur inspirera aussi pour le sol natal non une tendresse aveugle et barbare, qui se repaît de mots sonores et n’engendrent que la haine contre le reste des hommes, mais un amour de plus en plus ferme et clairvoyant pour toi, France, pays au beau nom, terre des clairs esprits, parce que tu fus la mère du droit et que tu dois rester, – tant que nos mains, hélas ! porteront des armes, – la gardienne de la justice et le soldat de la raison ! » (Pottecher, 1898 : VII)

Ces volontaires de 1792 sont de « braves montagnards », mais la terre natale a façonné chez eux un caractère : elle a fait d’eux des résistants. « Ce n’est pas ici, chez les montagnards, dit l’un d’eux à propos de la brutalité des nobles, qu’on trouvera des gens à mener à coup de sabre ou de trique » (ibid. : 67). C’est aussi pourquoi ils deviennent des héros qui répondent spontanément à l’appel de la République pour la défendre, à la frontière, contre l’Autrichien qui menace. C’est pourquoi le représentant de la Convention leur déclare : « Braves montagnards, je n’attendais pas un autre accueil de vous. L’âpre sol qui vous porte fut toujours cher à la liberté… Un jour, on dira de vous que vous avez bien mérité de la patrie » (ibid. : 93). Ces passages de Liberté sont une illustration de son esthétique du Théâtre populaire, qu’il définissait en ces termes, l’année suivante, dans un écrit théorique : « Fouillons au trésor oublié des mœurs, des traditions, des légendes et de l’histoire pour en illustrer le coin de terre dont nous voulons réchauffer et éclairer l’amour, pour en enrichir la grande patrie que nous plaçons en tête des autres parce que nous rêvons de voir toujours triompher avec elle le droit, la liberté et la raison, la justice et le devoir » (Pottecher, 1899 : XX).

La Passion de Jeanne d’Arc (1904), écrite dans le contexte d’un renouveau du culte de l’héroïne, montre l’articulation idéale que celle-ci permettait de faire entre le thème régional et le thème national (Alexandre, 2015). Nous ne retiendrons ici que le deuxième tableau de la pièce, celui de la vision, qui est aussi l’acmé du drame : Jeanne, endormie, se revoit dans son enfance ; elle est revenue à Domremy. Elle s’écrie : « Ah ! tous, ils m’ont tous oubliée ! et me voilà / Toute seule, à jamais perdue, abandonnée… » Mais voici que les Saintes, Marguerite et Catherine, lui apparaissent : « Console-toi !, lui disent-elles. Bientôt, tu seras délivrée. »

Et quatre enfants apparaissent qui entonnent ce cantique :

Honneur du bon pays lorrain,
O Jeanne la guerrière,
Relève-toi, le cœur serein :
Le ciel t’attend demain,
Il s’ouvre à ta prière,
Ton long tourment finit.
O Jeanne la guerrière,
La France te bénit !

Puis un vaste chœur, le chœur du peuple de France chante :

Martyrs sacrés ou fiers vainqueurs,
O morts pour la Patrie,
À vous la gloire, à vous, grands cœurs,
Les hymnes et les fleurs !
La France qui vous prie
Dans l’ombre et à genoux :
O morts pour la Patrie,
Toujours veillez sur nous !

Un régionaliste vosgien, reprenant les catégories de Maurice Barrès, écrivait à propos de La Passion de Jeanne d’Arc que chez Maurice Pottecher, on sentait naturellement la solidarité, l’« amitié » lorraine. « Aucun Français, écrivait-il n’est plus capable de comprendre le caractère de Jeanne que ce Lorrain, en qui se reflète, comme en l’héroïne, les qualités primordiales de la race » (Dulac, 1904 : XXX).

Comment définir, pour conclure, la Lorraine du théâtre de Maurice Pottecher ? Elle n’est ni celle de Maurice Barrès, ni celle des écrivains du terroir, tout en ayant, elle aussi, une dimension à la fois terrienne et mythique. Elle est celle d’un écrivain attaché au monde parisien des lettres, et qui, comme Dulac Barrès, opérait chaque année un repli saisonnier sur le sol natal, ce qui n’est pas le cas d’un Badel ou d’un Rousselot. Maurice Pottecher œuvrait parmi ces « Lorrains » ou « Vosgiens de Paris », organisés dans des associations qui entretenaient chez les déracinés vivant à la capitale le culte de la petite patrie. Aussi s’exposait-il à la contradiction en se faisant chantre de la décentralisation artistique et en dénonçant les effets délétères d’un parisianisme étouffant, qui ne permettait plus au génie particulier des provinces de s’exprimer.

Sa Lorraine était censée préserver une cohésion sociale autour d’une idée et d’un idéal dans une microsociété, celle de Bussang, menacée par la modernité ; elle devait aussi assurer le succès de son théâtre qui, à chaque saison, attirait un public nombreux venu de tous les horizons.

Elle était une Lorraine que Maurice Pottecher devait défendre face aux adversaires du régionalisme, en montrant que le culte du sol natal n’était pas un obstacle au patriotisme. C’est sans doute ce qui explique, dans Liberté, la réplique de Marie au père Souhait dont le fils a quitté le pays natal. Souhait déclare : « La patrie ? Sans doute, chacun doit aimer la terre qui le nourrit et où ses pères dorment… Et c’est pourquoi c’est un fils ingrat qui renie sa mère, celui qui abandonne les champs où tourne l’ombre de son clocher. » Et Marie de lui répondre : « La patrie ne s’étend-elle pas plus loin que cette ombre ? Partout où les cœurs souffrent d’une peine commune et tremblent du même espoir, l’homme reconnaît son pays. D’ici à la mer, les clochers se dressent par milliers, mais il n’y qu’une seule France » (Pottecher, 1898 : 75). C’est peut-être dans Liberté et dans La Passion de Jeanne d’Arc que s’exprime le plus fortement le patriotisme de Maurice Pottecher. Mais si l’on veut parler de « nationalisme » (Kribs-Dussaussois, 1987 : 139), il faut souligner qu’il s’agit là d’un nationalisme missionnaire, non pas d’un nationalisme de clôture, comme chez Maurice Barrès.

La Lorraine de Maurice Pottecher posait, enfin, un autre problème, lié à sa réception. En effet, malgré le franc succès remporté à Bussang, une pièce comme La Passion de Jeanne d’Arc resta condamnée à ne pas pouvoir faire le tour de France que d’aucuns souhaitaient pour elle. Certes, disait un publiciste lorrain, elle renouvelle le genre de l’épopée nationale, mais elle est trop intimement liée à son milieu (Vôge, 1904 : 2). Des critiques parisiens saluèrent dans l’œuvre une pièce « lorraine ». Pierre Clésio (1906 : 738) ne disait-il pas du sujet qu’il était « la plus belle des traditions lorraines » ? Il pensait toutefois qu’elle n’était pas « transportable » du fait de « ce goût de terroir » dont elle était imprégnée ».

Conclusion

Les écrivains régionalistes ont contribué à éveiller chez les Lorrains, à partir de la fin du XIXe siècle, ce que Maurice Barrès (1909b : 2-3) appelait une « conscience littéraire ». Ils ont été soutenus par la presse régionale, ne serait-ce que parce qu’ils étaient souvent eux-mêmes journalistes. Ils ont peint la diversité des terroirs lorrains, donné une forme plastique à l’histoire de la Lorraine, encore méconnue, même si la Lorraine était, pour des raisons politiques, très présente dans l’imaginaire national. Force est de constater que si Maurice Barrès ne jouissait pas en Lorraine d’une grande popularité, en dehors du cercle de ses « amitiés » (Gobron, 1923 : 13), c’est lui qui a introduit le thème lorrain dans la grande littérature française. Les auteurs « populaires » ont certes traduit, dans les genres littéraires les plus divers, le caractère des populations lorraines ; trop intimement ancrés dans le sol et la tradition lorraine, ils restèrent toutefois condamnés à n’avoir qu’un lectorat régional. Nous n’entrerons pas ici dans le débat sur la question de l’universel dans la littérature. L’intérêt de leurs œuvres les a toutefois fait entrer dans les anthologies scolaires lorraines (Lectures lorraines, 1927). Cette étude aura peut-être réussi à montrer la complexité du mouvement qui a parfois été appelé à cette époque le néo-lotharingisme.

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[1] Dans la littérature grise, on rencontre les trois termes, parfois pris l’un pour l’autre, mais qui ne sont pas tout à fait synonymes. Alors que la « terre » renvoie plutôt à l’histoire d’une région, à l’objet d’un culte et au sens qui est donné à cette histoire, le « sol » est plus généralement utilisé quand il est question de l’« enracinement » des individus, de leur milieu ; quant au « terroir », il est souvent synonyme de spécificité physique, de caractère. Les trois notions participent en tout cas d’une pensée déterministe.

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